Edito DH n° 139 juillet-août 2011 : Un peu de soleil dans l’eau froide

Une pincée de lecteurs ‑ mais il est des pincées qui relèvent la saveur d’un ensemble – nous écrit que les éditoriaux de DH Magazine se suivent et se ressemblent en donnant le sentiment d’une attention excessivement portée au négatif, à tout ce qui va mal dans nos politiques de santé. Je pourrais invoquer de prestigieux maîtres, comme Le Monde et son goethéen « esprit qui toujours nie » qui irritait tant le général de Gaulle ; mais un peu de modestie ne nuit pas et, le lecteur étant roi, je vais tenter de tenir compte de ses affectueuses critiques.

D’autant qu’effectivement des motifs de satisfaction et d’optimisme ‑ de portée et de signification diverses ‑ ne manquent pas :

Le 18 avril, le réseau de citoyens Active citizenship network (ACN) publie son classement européen en matière de droit des patients : la France y figure au 4e rang, juste après le Royaume-Uni, l’Espagne et la Slovaquie. Ce n’est plus le mythique « meilleur système de santé du monde », mais cela reste très honorable.

Le 21 juin, l’Académie nationale de médecine adopte un rapport Un Humanisme médical pour notre temps (F-B. Michel, D. Loisance, D. Couturier et B. Charpentier), qui sort du ronron habituel et invite les autorités politiques, médicales et hospitalières à contrecarrer la tendance opposant technologie médicale et pratique clinique ; à restaurer l’humanisme médical ; à promouvoir un art médical préservant un espace de liberté au médecin comme au malade ; à modifier les modalités de sélection des futurs médecins en vérifiant leur désir et leur aptitude à prendre en charge les malades ; à institutionnaliser au sein des établissements des pratiques d’humanisme médical et de bientraitance intégrées et accréditées ; à préserver dans la formation des futurs médecins le compagnonnage au lit du malade et la présentation de cas cliniques.

Le 12 juillet, les perspectives s’éclaircissent dans la lutte contre le sida puisque Gilead, premier fabricant mondial d’antirétroviraux, signe avec Unitaid, organisation internationale présidée par Philippe Douste-Blazy, un accord autorisant l’utilisation de ses brevets.

Le 21 juillet, c’est un protocole d’accord qui est conclu entre l’assurance-maladie et les trois principaux syndicats de médecins libéraux. Certains l’estiment incomplet voire timide ; il n’empêche qu’il introduit enfin la notion de rémunération à la qualité, aux bonnes pratiques et à la performance, et ouvre une brèche dans un système de paiement à l’acte totalement archaïque.

Le 1er août, le ministre de la santé Xavier Bertrand présente un projet de loi sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé qui instaurera l’obligation stricte d’une déclaration publique d’intérêts pour tous les membres des commissions, agences et organismes publics, et une exigence de transparence des conventions entre entreprises et professionnels de santé, étudiants en médecine, établissements de santé, associations de patients, organes de presse spécialisée et sociétés de conseil.

Le 4 août ‑ peut-être pas dans la nuit, mais ne chipotons pas ‑ le Conseil constitutionnel censure 30 articles de la loi dite Fourcade qui voulait, hâtivement et en dehors du calendrier établi, modifier certaines dispositions de la loi du 21 juillet 2009 HPST. Le Conseil vient ainsi rappeler, après bien d’autres mais avec une autorité suprême, à de trop habiles politiciens qu’il faut cesser de jouer avec la procédure législative.

Et même la vénérable Assistance publique-Hôpitaux de Paris participe à notre émerveillement, puisque son plan stratégique 2010-2014 nous dévoile que certains de ses établissements prestigieux vont se pencher sur les médecines non plus « parallèles » mais « complémentaires » : ostéopathie, acupuncture, homéopathie, hypnose….

Toutefois, chassez l’indignation par la porte des bons sentiments, elle revient par la fenêtre de la mauvaise conscience : certains faits et situations dramatiques ou inacceptables ne sont pas imaginaires. Ni les dérèglements ‑ pas tous climatiques ‑ qui font peser un danger mortel sur une douzaine de millions d’humains dans la corne de l’Afrique ; ni la déraison financière qui ravage l’économie ; ni les mesquineries que la technocratie inflige au samu social de Paris en lui rognant son financement d’Etat, faisant retomber les conséquences sur les hôpitaux publics franciliens et la ville de Paris ; ni le choléra qui tue encore 200 000 personnes par an dans les pays pauvres dans l’indifférence des plus riches et le désintérêt des firmes pharmaceutiques. Mais renvoyons cela à d’autres pages éditoriales atrabilaires…