Edito DH n° 102 septembre 2005 : Drôle d’époque…

Tout l’été, les hospitaliers sur le qui-vive attendirent la canicule et guettèrent la grippe aviaire ; qui ne survinrent, ni l’une ni l’autre. Pas cette fois-ci. Pas tout de suite. Tandis que trois évènements, d’inégale importance mais touchant à la question sanitaire, peuvent nourrir la réflexion en cette rentrée pas encore agitée.

Après le tsunami de janvier dans l’océan indien, le cyclone Katrina aux USA rappelle que les catastrophes naturelles ignorent les clivages. Qu’elles ne respectent ni l’ancien rideau Est / Ouest, ni le fossé Nord / Sud. Le malheur n’a pas de frontières ; la solidarité ne devrait donc en avoir davantage.

Puisque les pandémies de dimension planétaire, oubliées depuis 1918 (90 ans c’est bien peu dans la vie des virus !) peuvent resurgir, les responsables hospitaliers doivent contribuer à la montée en puissance de l’action sanitaire transnationale. Si par exemple l’OMS ne bénéficie pas, rapidement, d’un renforcement de ses moyens et pouvoirs, on peut craindre qu’elle ne soit aux risques sanitaires ce que la SDN fut à la montée des périls dans les années 30 : un rempart dérisoire.

L’époque est à la mondialisation ? Soit, mais alors dans tous les domaines.

Après le drame survenu au CHS de Pau fin 2004, une mission IGAS a été dépêchée. Son rapport vient d’être rendu public, du moins par extraits : La « gestion chaotique des difficultés » et un accord 35 heures « totalement dérogatoire aux textes réglementaires, accordant aux agents des avantages sociaux importants » ont mené le CHS à « évoluer au fil de l’eau en fonction des évènements » puis « à une impasse » et « témoigne pour le moins d’un sérieux laisser-aller et d’une négligence évidente ». Le management était passé d’un style « relativement autoritaire » à une « déconcentration non maîtrisée » car le directeur « n’assumait pas sa fonction d’arbitrage », faisant étalage « d’impuissance » et « d’autorité insuffisante » tandis que l’équipe de direction « composée d’éléments de valeur inégale… donnait une image de forte incohérence ».

Lamentable ! Factuellement, déjà, on ne résiste pas à l’envie de renvoyer ses balles liftées au tandem des « rapporteurs » : mais qui donc a nommé ces adjoints dont la médiocrité s’inscrirait au débit du chef d’établissement ? Qui donc n’a exercé ni le contrôle ni la tutelle préventifs qui eussent empêché ce CHS de partir à la dérive ? Qui donc a approuvé cet accord ARTT totalement illicite ?

Mais c’est d’abord contre le procédé, la méthode, qu’il faut s’insurger : une telle accumulation, à la fois de subjectivisme dans l’appréciation et d’assurance dans l’emploi d’épithètes définitifs et catégoriques ! Nous sommes là transportés dans la préhistoire de l’accréditation. Aux antipodes, exactement, des méthodes rigoureuses et des procédures objectives et minutieuses que les hospitaliers s’échinent, depuis 15 ans, à mettre au cœur de leurs politiques de qualité et de vigilances ! Alors, quand donc un ministre missionnera-t-il l’HAS pour évaluer l’IGAS ?

Votre serviteur a une raison supplémentaire et personnelle, de s’indigner – peut-être excessivement : il dirigea 10 ans un CH dont le précédent directeur avait été… celui-là même qu’à Pau l’IGAS incrimine. J’ai donc eu tout loisir de connaître, en détail et en profondeur, le rôle joué par celui qu’on croit habile aujourd’hui de clouer au pilori afin que tel ou tel ministre n’ait à répondre des carences de la santé mentale publique auxquelles il songe, d’ailleurs, à pallier en recourant à des alternatives privées.

L’époque est au dénigrement des acteurs embourbés par des observateurs en escarpins…

Ces Africains qui meurent dans nos immeubles vétustes ! On ne discutera certes pas ici, façon Café du Commerce et en 10 lignes, de l’irrégularité de leur séjour et de la solution politique à y apporter. De la réponse, ample ou restreinte, magnanime ou circonspecte, idéaliste ou réaliste, à donner aux pressions migratoires. Mais qu’au moins réponse il y ait. Tandis que cette non-réponse hypocrite ! Ne pas les laisser travailler, sauf au noir ! Ne pas les loger, ou dans ces taudis ! Si possible même ne pas les voir ! Et maintenant, ne pas soigner la tuberculose ou le saturnisme qu’ils contractent dans nos cités radieuses, sauf à l’article de la mort, puisque la CMU ne sera plus accordée que sur présentation… des papiers qu’ils n’ont pas !

Nous vivons, en majestueuse bonne conscience, une époque d’humanisme glacé…