Livre : Le calcul économique en santé – Méthodes et analyses critiques – 2004

Enfin un modeste !

Tous ceux qui se sentent tenus, fonctions obligent, de lire ou de tenter de lire chaque ouvrage publié sur le créneau de l’économie de la santé, en témoigneront : voici un domaine ou les certitudes, le jugement péremptoire, l’analyse indiscutable, la sentence définitive, se rencontrent bien plus fréquemment que dans d’autres secteurs de la réflexion sanitaire et sociale. Quoique… Quoique ces dernières années…

En tout cas voici un livre qui ne tombe pas dans ce travers ; au contraire il manifeste une sympathique modestie. D’emblée, le propos de l’auteur est de proposer simplement une clarification des méthodes à destination d’un large public.

Dans une première partie, l’ouvrage donne une claire approche historique de l’évaluation économique en santé. Au passage il rappelle à nos idolâtres du management anglo-saxon que ce sont les médecins hygiénistes français du XIXe siècle qui inspirèrent les premières analyses coût-bénéfice. L’auteur nous incite à utiliser soigneusement les concepts et à redouter leurs dérives : ainsi nous rappelle-t-il que la notion de « qualité de vie » a été inventée au début du XXe siècle par des psychiatres et juristes allemands pour justifier l’euthanasie des malades mentaux et handicapés et d’inspirer la politique d’extermination raciale…

Dans la partie mettant en rapport coût et résultat, l’auteur plaide constamment pour une réflexion éthique sans laquelle l’analyse technique est aveugle. Il ne manque pas de montrer combien l’approche coût-efficacité est une problématique de pays riches et que, vouée uniquement à une allocation de ressources, elle ne favorisera jamais les sujets âgés, pauvres, les femmes ou les minorités. Et l’auteur montre nettement la contradiction difficilement soluble dans laquelle est encore enfermée l’économie de santé en rappelant, d’une part, que le rôle de l’analyse économique est d’éclairer la décision, non de l’imposer, qu’elle exige un jugement nuancé et prudent, tout en nous invitant à méditer, d’autre part, sur la célèbre maxime d’Alfred Sauvy de 1976 : « Le refus des priorités, le refus de choix, dispense certes de moments pénibles, mais éloigne de toute action positive. »

Didier Castiel
septembre 2004 – 172 pages – 29 €
Editions ENSP
avenue du Pr Léon-Bernard
35043 RENNES CEDEX
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