De toutes les régions monte un tel mécontentement que DH Magazine manquerait à ses devoirs s’il n’en parlait, fût-ce dans un simple éditorial : le désastre programmé de la procédure d’OARTT (organisation, aménagement et réduction du temps de travail). Autrement dit : Les 35 heures.
Il n’est pas dans nos habitudes d’interférer dans le débat politicien. Ce n’est donc pas le choix politique du Gouvernement, ni celui de Martine Aubry en particulier, que nous allons blâmer. Il n’est pas certain d’ailleurs que cette réforme soit aussi critiquable qu’on ne veut bien l’écrire ici et là, tant est tenace l’incohérence française à réclamer des réformes en général et à torpiller chacune en particulier, sitôt qu’elle prend corps. Pour simplifier, postulons donc que les 35 heures sont une belle et grande idée qui donne à nos établissements l’occasion d’engager comme jamais la remise à plat de l’organisation du travail et la difficile mais possible recherche d’une meilleure adéquation entre nécessités du service (à l’usager) et qualité de vie (des personnels) !
Mais patatras ! A l’heure où ces lignes courent sur notre clavier, tous ces espoirs sont ruinés. Alors que —et c’est rageant— un tel ratage était évitable. On nous dit, en effet, que les négociations au plan national ont traîné : mais dans ce genre de course de lenteur, la tactique des pistards a des exigences que la raison ne connaît pas. Et ce retard n’explique pas que la méthode et le calendrier retenus aient été un condensé de tout ce qu’il fallait éviter.
La méthode ? On nous a gratifiés, en mai 2000, d’un épais « classeur pédagogique » qui est à la conduite de projet ce que l’usine à gaz est au briquet Dupont(*). Déjà lourd, indigeste et irréaliste pour un CH de belle taille, jugez de son « opérationnalité » pour les hôpitaux locaux ou maisons de retraite…
Le calendrier ? La circulaire du 10 avril 2001 est destinée à formaliser le diagnostic : elle n’anticipe pas, ce n’est pas son objet, sur les « scénarios » de mise en œuvre de l’ARTT et son contenu ne dévoile donc rien des concessions ministérielles dans la négociation nationale… Mais alors, elle était parfaitement publiable… six mois avant ! Ce qui aurait permis aux établissements d’y répondre dans un délai correct et de donner aux financeurs (ARH, DDASS et conseils généraux) le temps nécessaire à l’analyse.
Et cette circulaire était si bâclée, sans aide au remplissage, qu’il a fallu la « compléter », le 6 juin, d’une nouvelle circulaire qui remplace de nombreux tableaux (sans considération pour ceux qui avaient déjà remplis les précédents) et comporte encore nombre d’erreurs ou incertitudes, notamment, en ne permettant pas aux trois financeurs d’identifier ce qui les concerne en propre ! Pour comble, au lieu d’être communiqués par disquette ou sur site Internet, ces tableaux sont fournis sur papier ! Ce qui permettra au trois ou quatre mille « accros d’Excel » de saisir, chacun de leur côté, ce que le ministère aurait pu (dû ?) faire en une seule fois !
Et maintenant ? L’étude de ces centaines de tableaux va être conduite par les autorités susnommées d’août à octobre ! Mais qui croira sérieusement qu’elles auront pu les assimiler lorsqu’on abordera la phase « scénarios » en novembre ? Et les conséquences les plus graves restent à venir… Puisque le délai de négociation des « scénarios » sera réduit à trois fois rien, puisqu’on ne sait même pas si les ARH auront une quelconque marge de manœuvre, puisqu’enfin, l’imprévoyance ayant été monumentale, nous ne pourrons pourvoir les postes d’AS ou DE qui nous seront généreusement octroyés…
Nous pourrions questionner « Y a-t-il un pilote dans l’avion ? » Mais le rôle de DH —ni son désir d’ailleurs— n’est pas de rechercher les responsabilités d’un tel plantage. Sans aucun doute, des professionnels de valeur ont-ils fait tout ce qu’ils pouvaient. Mais, qu’il nous soit pour le moins permis de demander : « Y a-t-il une démarche qualité au ministère » ? Cette démarche qualité, qu’à juste titre, on exige de nous. Cette démarche qualité sans laquelle le moindre des décideurs hospitaliers ne serait aujourd’hui qu’un irresponsable…
(*) Un membre (facétieux) de notre comité de lecture commente : « Je crois savoir que les briquets dont la marque est citée sont très chers, aussi ai-je une nette préférence pour le mythique Zippo qui s’allume (avec un peu de pratique) d’un pincement entre le pouce et l’index. S’agissant de simplicité, DH pourrait faire aussi mention du briquet à amadou, toujours de mèche avec ses lecteurs » ! ! !