2019 10 04 : Atlantique -film

Nous voici dès les premières images transportés à Dakar.

Mais l’Atlantique qui donne son titre au film n’est pas l’océan majestueux et généreux pour les nombreux pêcheurs qui procurent aux Sénégalais une bonne part de leur subsistance. Non, ici l’Atlantique c’est l’océan que des privilégiés pourront contempler du haut d’un luxueux immeuble en construction.

Sur ce chantier de prestige en tout cas, c’est le bagne pour les dizaines d’ouvriers dont la misérable paye ne tombe même plus depuis des semaines. Alors ils projettent, hélas, hélas, de risquer leur vie en pirogue sur cet Atlantique, mer de malheur où ils vont se noyer, en tout cas on le pressent, on le devine, la suite nous le confirme à travers hallucinations et visions oniriques, car ce film est un conte fantastique sombre et nocturne.

De ces garçons partis en mer, en effet nous ne saurons rien de plus : c’est à leurs femmes, mères, sœurs et filles que le film de Mati Diop se consacre, dans un poignant poème de l’absence.

Angle de vue qui m’a rappelé l’éprouvante épreuve de l’absence à laquelle sont confrontées trois siècles auparavant des Africaines dans le roman La saison de l’ombre de Léonora Miano, qui recherchent vainement leurs hommes disparus, vainement car nous savons, nous lecteurs, qu’ils ont été capturés par des esclavagistes…

Alors, son amoureux Souleiman (Ibrahima Traore) à peine parti sur l’Atlantique, qu’Ada (Mama Sané) est promise à un homme riche. Mais voilà qu’un incendie carbonise le lit des noces projetées, que des djinns apparaissent, que des fièvres contaminent des filles du quartier…

L’inspecteur Issa (Amadou Mbow) enquête, sans déchiffrer que les zombies des noyés sont revenus pour se venger ou, comme celui de Souleiman, faire ses adieux à celle qu’il aime.

Au plan esthétique, ce premier film de Mati Diop est une splendeur.

Les actrices sont inoubliables et l’Atlantique est tout en menaces et grondements.

4 octobre 2019