2017 07 30 : Avec le temps, les écrivains… 2 Cesare Pavese

Cet été, je me suis dit « je vais relire les romanciers italiens que j’ai aimé dans ma jeunesse et n’ai jamais refréquenté depuis ». Pas par nostalgie nunuche mais par curiosité, pour voir comment mon opinion a évolué.

Car si nous pouvons jauger assez lucidement la transformation objective de notre physionomie ou de notre condition physique, il est par contre difficile de mesurer le changement de nos opinions du fait que la réminiscence de nos conceptions originelles a elle aussi vieilli.

Eh bien, Cesare Pavese ?

J’avais sélectionné Le Bel Eté dont je gardais un bon souvenir. Sous ce titre il s’agit en fait de trois courts romans ou longues nouvelles.

Et patatras ! J’ai lu et relu et rien n’y a fait, j’ai éprouvé de la première à la dernière page la sensation désagréable de ne plus comprendre pourquoi il y a cinquante ans j’avais aimé Pavese.

Par exemple le premier récit, : il tente l’approche psychologique de trois jeunes filles pauvres qui pour améliorer leur condition modeste posent pour des peintres. Aujourd’hui ces profils féminins ne sont plus contemporains mais pas encore devenus des figures historiques révolues. Mais ce n’est pas à cause de cet entre-deux que je les trouve archaïques, comme l’impression de caducité qui me saisit lorsque je relis des romans de Mauriac, qui a pourtant du style.

Si je n’entre plus dans leur problématique c’est qu’elle me semble mal exposée, insuffisamment approfondie, sans épaisseur, sans consistance.

Quant au style, justement, le Mauriac que j’évoquais à l’instant, pourtant de 25 ans son aîné, maniait lui une plume plus incisive et qui me semble avoir moins vieilli ; et pourtant je n’adule pas Mauriac.

Tandis que le style de Pavese, je l’ai trouvé pesant, peu évocateur ; je mesure combien ma critique est grave s’agissant d’un romancier qui est également réputé être un grand poète.

Car c’est un grand nom de la littérature italienne, apprécié dans le monde entier et qui n’a pas subi, que je sache, de purgatoire dans les années qui ont suivi son décès. Néanmoins, rien à faire, le courant ne passe plus entre lui moi. Je n’ose cependant penser que la considération qui persiste à son égard tient plus à sa fin tragique qu’à son œuvre.

Dans l’édition que je possède (Quarto Gallimard 2008) le préfacier Martin Rueff propose une comparaison avec Marcel Proust. Je ne discuterai pas l’intelligence de son analyse en ce qui concerne la doctrine du temps chez l’un et chez l’autre ; mais quant au génie littéraire, je ne suis pas de son avis. Proust a une grâce, une poésie, une fluidité de style qui lui permettent de nous faire partager comme peu d’écrivains avant lui les sentiments et souvenirs qu’il ressent et qu’il évoque ; chez Pavese je ne retrouve rien de cela.

Le seul point commun entre Proust et Pavese c’est ‑ dans cette collection et chez cet éditeur ‑ que leurs volumes font respectivement 2 400 et 1 800 pages, et que ces deux sommes pèsent trois livres chacune ! J’ai déjà lu deux fois la première, je ne crois pas que je finirai la seconde… et pourtant il le faudra, car je n’aime pas rester sur une mauvaise impression et puis je crains de me tromper, étant sans doute le seul à partager mon opinion.

Alors l’été prochain, sans doute, je relirai le Bel Eté

30 juillet 2017