2017 06 17 : Walker Evans, les USA au fond des yeux

C’est à Beaubourg (pardon : au Centre Pompidou) qu’il faut parfois aller voir des expositions mémorables. Je m’y rendis donc la semaine passée pour l’exposition du photographe américain Walker Evans.

Evans (1903-1975) aspirait à devenir écrivain, il vint même suivre une année de cours à la Sorbonne ; mais il se consacra finalement à la photographie à partir des années 1930.

Ces années 30 sont celles de la Grande Dépression, qu’il photographia à titre personnel d’abord, puis comme intervenant institutionnel, nommé à la Farm Security Administration, organisme créé en 1937 par le ministère de l’agriculture pour venir en aide aux fermiers pauvres.

Ses photos-vérité de cette période sont extraordinairement éloquentes ; sans mise en scène, sans effets, elles nous portent le témoignage intemporel de la pauvreté, de la détresse, du dénuement mais aussi de la dignité des hommes, femmes et enfants plongés dans cette crise.

Les regards que Walker Evans fixe sur la pellicule sont inoubliables d’intensité, ils ne sont pas datables : on croise les mêmes « fenêtres de l’âme » grandes ouvertes dans toutes les situations de tragédie dont la photographie a pu témoigner depuis lors.

De sa confrontation aux réalités immédiates de la misère, Evans sera naturellement porté à illustrer d’autres aspects de la réalité que le grand Art ordinairement dédaigne, enjolive ou esquive : les situations domestiques triviales, les objets et constructions vernaculaires, les anonymes du métro, les panneaux de signalisation, les banalités de la vie quotidienne, les publicités et même les déchets ou épaves de véhicules.

Pour mieux éprouver le verso de la société américaine de cette période, il faut aller voir l’exposition Walker Evans, jusqu’au 14 août.

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Le hasard a parfois la main heureuse pour susciter des coïncidences : le soir même, sans l’avoir prémédité (car sur invitation) j’assistai à une pièce de théâtre adaptée du roman de John Steinbeck Des souris et des hommes, qui se situe dans le même contexte : l’existence rude et misérable de saisonniers agricoles en Californie au milieu des années 30.

Je me souvenais vaguement du roman, lu dans mon adolescence, et je n’étais pas sans appréhension, car trop souvent déçu par l’adaptation de grands romans à la scène ou à l’écran.

Là, pas du tout. Sur un texte de 1975 du grand adaptateur Marcel Duhamel, une mise en scène de Jean-Philippe Evariste et Philippe Ivancic et dans les rôles principaux de Lennie : Philippe Ivancic, George : Jean-Philippe Evariste et Candy : Jean Hache, cette pièce a d’ailleurs obtenu une nomination méritée aux Molières 2015.

Du coup, sitôt revenu chez moi, je me replongeai dans le roman et j’ai pu vérifier que sa force et son humanité n’avaient pas été affadis par cette transposition.

Au théâtre de La Michodière jusqu’à la fin de l’année.

J-Ph Evariste & Ph Ivancic

J-Ph Evariste & J Hache