Edito DH n° 99bis février 2005 : Tout ça pour ça ?

Le ministre de la santé était, ces derniers mois, sous un vent favorable, dans une allure certes pas trop remontante mais portante, saluée par les médias. Trois lois, début août 2004, avaient franchi sans péril les détroits parlementaires. Sans doute deux d’entres elles (santé publique et bioéthique) relevaient largement de son prédécesseur. Mais celle sur l’assurance maladie devait à lui seul d’être venue à bon port ; même s’il avait préféré pour cela réduire la toile, du moins aucun récif n’avait interrompu le voyage. Si nous persistons à penser que ce texte révèlera rapidement ses limites, au moins instaure-t-il une Haute autorité de santé qui peut devenir l’arbitre du sempiternel conflit entre qualité et économie.

« Sa » ministre déléguée aux personnes âgées a repris en main un dossier obéré par les arbitrages budgétaires antérieurs et semble dégager un compromis acceptable entre le possible et le souhaitable. Quant à « sa » secrétaire d’Etat en charge du handicap, elle a ouvert plusieurs chantiers prometteurs et la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées qu’elle fait aboutir ces jours-ci au Parlement en sort en bien meilleur état qu’elle n’y était entrée.

Au quotidien, le ministre de toutes les solidarités occupe méticuleusement la scène médiatique : son propos lors du raz-de-marée d’Asie a trouvé le ton juste. Sa réactivité à différents évènements hexagonaux a été remarquable et en tout cas remarquée. A Pau, on crut le voir s’égarer à désigner a priori un « forcément coupable » pour une livraison de téléalarmes reçues mais distribuées avec retard (comme si cela eut pu sauver les victimes !), mais il sut rapidement se reprendre et s’en remettre à la justice et donner du temps à l’enquête.

Il a réactivé des dossiers qu’une politique de restructuration conquérante et techniciste avait relégués aux arrière-plans : à Reims il apporte un soutien plus marqué aux USLD pour personnes âgées ; au Forum de l’ANHL il annonce une revalorisation des hôpitaux locaux et leur propose un COM ; à Saint-Girons il réhabilite les soins de suite et de réadaptation ; pour répondre à la fois aux impatiences et aux craintes, il décide que la part de la T2A dans les dotations sera portée à 25 % dès 2005 mais ne dépassera jamais 50 % ; il relance une campagne de lutte contre l’alcoolisme ; il prend la défense du secret médical…

Et même là où on attend toujours un ministre de la santé, sur les questions de gros sous, il a su déjouer les pessimismes en annonçant un plan santé mentale ambitieux. Certes les hospitaliers échaudés attendront de vérifier quelle en sera la répartition annuelle et s’il s’agit de vrais crédits nouveaux ou d’enveloppes redistribuées…

Mais alors, pourquoi tout compromettre à cause d’une ordonnance qui ne vient pas, ou si lentement, et en quel état ! Pourquoi cette nouvelle gouvernance ne sera-t-elle bientôt plus que l’ombre de ce qu’elle rêva d’être et ne traduira que le nouvel habillage conceptuel d’un centralisme bureaucratique qui n’en finit décidément pas de rendre les armes d’inefficacité massive ?

Pour n’être ici ni injuste ni partial, simplement un peu cruel, bornons nous à rappeler les propos ministériels d’il y a deux ans. Il s’agissait, pas moins, « pour les hospitaliers, de choisir plutôt que subir, de bâtir et agir tous ensemble ! La nouvelle  gouvernance tend à donner plus de souplesse d’action aux intervenants. Elle veut les associer, dans un pilotage commun de l’établissement, librement organisé. C’est une démarche de confiance vis-à-vis des hospitaliers et c’est aussi une démarche d’espérance. Elle vise à simplifier la vie des professionnels, moderniser les structures hospitalières en accordant davantage de confiance à la capacité de décision de leurs responsables. Cest l’opportunité pour chacun des acteurs, sur le terrain, de disposer de davantage d’autonomie et de capacité d’initiative dans l’exercice de ses responsabilités quotidiennes. L’adhésion de tous est indispensable : on ne réformera pas l’hôpital sans les hospitaliers. »

C’est pourtant bien ce que l’on est en train de faire !

Cette dernière ( ?) version, trop longuement attendue pour être encore désirée, a une apparence : un semblant de co-décision concédée à la communauté médicale ; elle a une réalité : des pouvoirs accrus, encore et encore, aux ARH et à l’échelon central…