Pour Pablo (Juan Pablo Olyslager) tout va bien : aisé, la quarantaine svelte, marié, deux beaux enfants.
Et puis un jour le grain de sable, un évènement imprévisible le rattrape au tournant : il tombe amoureux de Francisco (Mauricio Armas).
Il y avait là de quoi faire un film subtil, une investigation psychologique pointue sur la réaction d’un homme à la découverte de sa nature profonde, une étude de mœurs en finesse.
Ici, oui. Mais là-bas, non.
Car Pablo et Francisco sont guatémaltèques et la bonne bourgeoisie de l’un comme la classe populaire de l’autre sont intolérants à cette déviance. Parce que Pablo est un évangéliste pratiquant et que ces églises, davantage et pire encore que la catholique, ne considèrent peut-être plus l’homosexualité comme une possession satanique qu’il faut brûler, mais tout de même comme une maladie qu’il faut soigner.
Or Pablo n’a ni vécu ni fréquenté dans un milieu homo qui l’aurait aguerri et blindé : il ne sait à qui s’en remettre, il flotte, il culpabilise et donc il finit par accepter les injonctions de sa famille et de son église à se soigner.
Je vous laisse imaginer la douceur et l’efficacité des « thérapies de conversion » mises en œuvre soi-disant pour sa rédemption et qui le plongent en enfer.
La force du film est de ne pas s’encombrer de parti-pris ni de posture militante, mais de montrer, décrire, dépeindre ce qu’il en est de cette barbarie qui règne au nom de Dieu.
Glaçant et terrifiant, terrifiant parce qu’on se dit aussi que cet aujourd’hui dans certains pays, c’était notre hier qu’il nous est loisible d’oublier pour mieux nous draper dans notre modernisme culturel.
Ce film vénéneusement ambigu et superbement réalisé de Jayro Bustamante nous oblige donc à plusieurs lectures, bien au-delà du pamphlet lointainement exotique auquel nous préfèrerions peut-être qu’il se fusse limité.
4 mai 2019