Nous sommes en Italie en 1983, 35 ans déjà ! Un adolescent de 17 ans de famille aisée, Elio Perlman (Timothée Chalamet), passe l’été dans la villa Albergoni de ses parents. Il est de bonne, très bonne famille, puisque son père (Michael Stuhlbarg) est un professeur réputé en archéologie grecque et romaine et sa mère une traductrice compétente (Amira Casar).
Comme il n’y a pas l’ombre d’un conflit générationnel chez ce jeune homme-là, parfaitement éduqué et accordé à ses parents, ses vacances se passent à jouer de la musique (classique bien sûr), à lire (de la littérature évidemment) et à marivauder (galamment bien entendu) avec la mignonne Marzia (Esther Garrel).
Mais voilà qu’un jour arrive à la villa un superbe Américain à peine plus âgé, Oliver (Armie Hammer) qui vient travailler sous la conduite du père en vue de passer son doctorat d’archéologie.
Et voilà que les deux jeunes gens vont bientôt se découvrir une attirance réciproque.
J’avais lu dans la presse un résumé du film un peu semblable à celui que je viens de commettre et j’appréhendais, un poco ma non troppo ; non que je sois homophobe, ou alors si peu, mais je redoutais de devoir supporter une bluette façon David Hamilton qui de nos jours, évidemment, sera bien plus avantageusement bankable qu’elle évoquera ces amours qu’enfin la société accepte de ne plus considérer comme tares ou maladies.
Mais j’avais lu il y a quelques années le beau roman d’André Aciman Plus tard ou Jamais ayant servi de trame et je savais que son adaptation avait été écrite par James Ivory qui est une valeur sûre.
En tout cas mes craintes étaient infondées car Luca Guadagnino est un cinéaste de première grandeur. Son image est magnifique, à la fois réaliste et sensuelle, forte et délicate, intense et raffinée.
Il est vrai que ce réalisateur a eu partie facile : filmer dans le plus beau pays, l’Italie et dans l’une de ses plus belles provinces, celle de Crémone, où chacun de nous j’en suis sûr rêve de finir ses jours.
Il est vrai que le film est magnifiquement interprété par les deux acteurs principaux, le jeune Timothée Chalamet que je voyais pour la première fois et Armie Hammer qui joue enfin un rôle à la mesure de son talent.
Une idylle entre deux jeunes gens aisés, dans une villa luxueuse, dans une région à l’abri des secousses du monde… nous voilà loin diront certains des graves problèmes qui méritent l’attention des cinéastes.
Sauf que l’un n’empêche pas l’autre, qu’aimer Zola et Dostoïevski ne détourne pas d’admirer Proust et Stendhal, que l’on peut partager son attention et son intelligence entre les questions graves ou moins graves qui le méritent ; tandis que d’autres hélas ne s’intéressent à rien sinon aux grossièretés d’Hanouna ou de la succession Hallyday.
Peut-on évoquer une Education sentimentale façon XXIe siècle ? Peut-être pas. Mais je parierais que ce film sera considéré comme l’un des plus beaux de la décennie et que Luca Guadagnino nous en donnera d’autres aussi superbes (j’avoue à ma grande honte n’avoir vu aucun de ses précédents, ni Melissa P., ni Amore, ni A Bigger Splash).
3 mars 2018