Edito DH n° 103 octobre 2005 Nous sommes-nous fait avoir ?

Assurance maladie : Pour la « sauver », lui « donner une dernière chance avant la privatisation », maintenir les liens de la solidarité héritée des Pères fondateurs, on fit appel il y a 15 mois à notre civisme. Nous acceptâmes donc assez docilement, au grand dam des extrémistes de tout poil et maximalistes de toute plume, de mettre la main à la poche, puisqu’on nous assurait que la ponction serait modeste au regard de l’enjeu : la restauration d’un équilibre durable…

Déjà le rapporteur pour avis perçait sous Yves Bur, qui jugeait « amoral de prolonger la Caisse d’amortissement de la dette sociale de manière indéfinie » ; mais à part les critiques frontales de l’opposition politique – dans son rôle – rares furent les professionnels de santé osant énoncer ouvertement leur incrédulité. « Un retour à l’équilibre en 2007 semble peu probable » constatait toutefois Gérard Ropert, directeur de la CPAM de Lyon. Puis la CNAM puis Bercy émirent quelques doutes. Et voici qu’enfin les experts retrouvent, avec l’unanimisme qu’ils adorent, le sens critique qu’ils semblaient avoir perdu et nous annoncent que le déficit reste grave et structurel. En voilà une surprise !

Dans une sorte de contrepoint qui se voulait subreptice, s’est glissée à l’article 37 du PLFSS une participation forfaitaire de l’assuré de 18 € dès que les actes dispensés atteignent 91 €. Ce qui n’est pas rien pour les revenus modestes. Cependant que les abus pour dépassements d’honoraires, soins superflus, prescriptions fantaisistes ou compérages ne seront pas davantage encadrés que par le passé…

T2A : Elle devait enfin redonner du sens à la dynamique budgétaire. Non pour restreindre les moyens mais pour enclencher une rétribution équitable. Quant à la convergence tarifaire entre hospitalisation publique ou PNL d’une part, et privé commercial d’autre part, désormais cette chimère masque bien mal des calculs sonnants et trébuchants.

Présentée au départ comme un dispositif de pacification et d’arbitrage objectif et neutre, la T2A apparaît de plus en plus, sauf à ceux qui ne veulent pas voir, comme une usine à gaz permettant aux cliniques privées de se refaire une santé et au Gouvernement d’accélérer la recomposition de l’offre de soins sans assumer trop directement la responsabilité de rudoyer un hôpital public qui n’a jamais été autant aimé des Français (sondage T-E-E et France-Info du 29/11). A preuve ? La FHF demandait que soit reconsidérée cette convergence « impossible, dangereuse et inflationniste » et produisait un argumentaire difficilement contestable. En riposte le Gouvernement, pourtant souvent porté ces derniers temps aux compromis et concessions sur certaines questions sociales, semble ici ne rien céder et même – selon un jeu de rôles éprouvé sous toutes les législatures – laisse déposer un amendement maximaliste pour que, même s’il est éliminé en dernière lecture, la loi prescrive en son article 30 que « La convergence doit être achevée au plus tard en 2012 ».

Nouvelle gouvernance : N’en parlons même plus si vous le voulez bien… On n’en finit pas de constater à quel point le projet de M. Mattei s’est peu à peu dégonflé.

Hôpital 2007 ? Là au moins, personne ne pourra nier que ce plan a doublé le volume des investissements hospitaliers en trois ans. Sauf que… largement couvert par l’emprunt, il obère la capacité d’autofinancement ultérieure des établissements déjà altérée par l’extinction des PPI.

Pourtant et pour autant, je ne souscrirai pas unilatéralement à l’opinion souvent entendue ces derniers temps parmi les hospitaliers désabusés que « nous sommes nous fait avoir ».

D’abord parce que cette période 2002-2005 n’a pas été vaine ni négative. Une intense réflexion s’est développée. Elle a été salutaire ne serait-ce que par la décantation qu’elle a permis et accéléré.

Ensuite, parce que sans doute… « nous nous sommes eus » nous-mêmes un peu, piégés… par notre penchant pour les modes intellectuelles. S’il est en effet un invariant qui me frappe, dans notre petit monde des décideurs hospitaliers, depuis 30 ans que j’eus l’insigne honneur d’y entrer, c’est une double propension à douter finement… puis à suivre naïvement.

Il ne s’agit ici de prôner, ni le refus des réformes qui discrédite tant de conservatismes obtus ; ni l’enthousiasme aveugle pour le dernier concept à la mode entre rue Saint-Guillaume et avenue de Ségur. Tout simplement d’avancer résolument mais d’un pas assuré, en adoptant la méthode expérimentale qui fut après tout élaborée et conceptualisée… par un hospitalier : Claude Bernard !