2013 10 07 : La saison de l’ombre (Léonora Miano)

La rentrée littéraire ? Elle s’encombre de 600 ou 700 nouveaux romans ! Alors, sauf à suivre docilement les critiques et les classements des médias, comment ne pas trop laisser de place au hasard pour exercer votre choix, dans la limite de vos capacités de lecture et possibilités financières ? Moi, bien sûr, je feuillette, je grappille quelques lignes ou pages, mais le faire 600 ou 700 fois… impossible !

Alors il faut s’en remettre à l’intuition et aux bons souvenirs de lecture. Ces derniers jours, regardant la couverture et la 4e du livre d’une femme, d’une Africaine, sur l’Afrique, cela me donna trois raisons de l’acheter… et je ne fus pas déçu.

Léonora Miano couverture.hd.la.saison.de.l.ombre La saison de l’ombre, 6e ou 7e roman de Léonora Miano, est en effet magnifiquement écrit sur un sujet poignant : la traite négrière qui décima l’Afrique et déshonora les esclavagistes d’Europe, d’Amérique et du monde Arabe. Mais au-delà du « devoir de mémoire » dont on nous bassine un peu trop souvent ‑ le politiquement et le culturellement corrects l’imposent ‑ ce roman nous donne à connaître la grandeur et la richesse de ces peuples africains que l’on se représente toujours, plus ou moins, comme de « grands enfants » un peu naïfs ; et puis « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire » n’est-ce pas ?

Alors, refermant ce livre, vous songerez peut-être que si l’homme africain n’a inventé ni la Rolex, ni la Bréguet, ni la Patek Philippe, son art, sa culture sont immenses et les femmes africaines sont d’une délicatesse infinie. Et puis, au détour d’une page, 97 pour être précis, vous lirez qu’en Afrique « on pense que celui qui ne rêve pas a cessé de vivre » et comme moi vous ferez un violent rapprochement avec ces vers du Chant des Partisans de 1943 : « Il y a des pays Où les gens au creux des lits Font des rêves ». Les Résistants français, sauvant notre honneur, voulaient nous redonner la liberté de rêver, tandis que les Africains, parfois avec nous parfois malgré nous, voulaient protéger leur faculté de rêver… au risque de ne pas entrer dans l’Histoire, mais quelle Histoire au fait ? Car l’Histoire est compliquée et retorse : ainsi du XVIIIe Siècle, qui eut comme deux saisons, celle des Lumières pour les élites d’Europe préparant leur délivrance, celle de l’ombre pour les femmes d’Afrique recherchant en vain leurs captifs.

 7 octobre 2013