2024 05 26 : Je m’appelle Erik Satie comme tout le monde – théâtre

Nous revoilà une fois encore, pour la dixième fois peut-être, dans ce toujours charmant théâtre, à côté mais heureusement à l’écart d’une place de la Contrescarpe qui l’est de moins en moins, charmante, submergée d’une marée de touristes se croyant attablés au cœur du Paris authentique (tu parles !) et de vrais ou faux Parisiens faisant de la figuration ostensible et bruyante autour d’apéros médiocrement tendance : spritz, Margarita, mojito, rosé de basse Provence et autres saletés.

Alors donc au petit Théâtre de la Contrescarpe on y est bien, paisiblement, avant même que le rideau ne se lève, parmi un public sympathique, intéressé, qui vient ici passer une ou deux heures d’un plaisir sincère.

Et quand la pièce est bonne, ce plaisir est parfait. Ce fut le cas ce soir avec Je m’appelle Erik Satie comme tout le monde ; pas étonnant que cette pièce soit donnée ici depuis 2019 et qu’elle y joue les prolongations.

Laetitia Gonzalbes

Je ne vais pas retracer la vie d’Erik Satie, compositeur français pratiquement inconnu il y a 60 ans et qui maintenant est joué par de nombreux musiciens avec le plus souvent douceur et grâce.

Dans cette pièce, l’autrice et metteuse en scène Laetitia Gonzalbes à travers une fable chorégraphique conte la vie de cet homme original, curieux, intrigant… Fable qui apparaît bien vite comme une fiction ironique, surprenante, esthétique.

Le rôle d’Erik Satie est tenu par Elliot Jenicot, et celui d’Anna, l’infirmière qui lui donne la réplique, par Anaïs Yazit. Oui : les acteurs du début à la fin ne sont que deux et cependant ils investissent la scène avec une puissance, une sensibilité et une poésie qui évitent à la pièce, quasiment d’un seul acte en tout cas d’un seul tenant, toute amorce de monotonie.

Suki

Le graphisme de la vidéo d’arrière-plan de Suki est remarquable.

Erik Satie ne meurt pas au dénouement : éludant direz-vous la destinée biographique du personnage, mort à 59 ans à l’hôpital d’une cirrhose alcoolique. Esquive surprenante alors que tous les propos prêtés à Satie sont fidèles, pour autant que je me souvienne, à ceux qu’il proféra au cours de sa vie, avec des témoins de marque : Jean Cocteau, Maurice Ravel, Claude Debussy, Pablo Picasso, Suzanne Valadon ou les compositeurs du Groupe des Six (Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honegger, Darius Milhaud, Francis Poulenc et Germaine Tailleferre).

Mais c’est que le personnage n’est pas exactement celui qu’on croit et que pour lui, comme il le dit en mot de la fin, « j’ai une œuvre à achever et ne pas la laisser mourir ».

Les propos d’Erik Satie et d’Anna livrent une réflexion profonde sur l’art, la musique, mais aussi le délabrement de la santé moderne, la mort, la psychiatrie, la pauvreté, l’alcoolisme et la parentalité. Vous pouvez venir voir la pièce même et surtout au cas où vous seriez en déprime, car si le propos est sombre et triste, la toute fin est lumineusement belle.

Magnifique ! Un merveilleux spectacle, joué par des comédiens au sens le plus élevé du terme.

26 mai 2024

Présentation

Erik Satie – 1ère Gnossienne – Jean-Yves Thibaudet

Erik Satie – 1ère Gymnopédie – Jean-Yves Thibaudet

Erik Satie – Pièces Froides III. Airs à faire fuir – Jean-Yves Thibaudet