2024 05 12 : Thomas Schlesser – Les Yeux de Mona

L’intrigue de ce roman est simple, voire gentillette : Mona est une fillette dont les médecins ont informé ses parents qu’elle est menacée de cécité ; alors son grand-père, au prétexte de la mener consulter un pédopsychiatre, la conduit en secret chaque mercredi dans un grand musée parisien : le Louvre, Orsay, Georges Pompidou.

Histoire touchante, illustration de bons sentiments bien émouvants ? Subsidiairement peut-être, mais ce roman est d’abord magnifique.

Il fournit le prétexte à Thomas Schlesser de camper chaque mercredi Mona devant une œuvre célèbre, elle doit l’observer et exposer à son grand-père ce qu’elle ressent, lequel en retour lui apporte des éclaircissements sur l’œuvre ou son auteur.

En une année, voici donc 52 œuvres qui en 52 courts chapitres (500 pages au total) sont commentées dans un dialogue limpide entre Mona et son grand-père, qui accompagne le double parcours de Mona : de l’enfant à la jeune fille, de l’émotion esthétique à l’expertise artistique, son initiation à la vie par le biais de l’art.

J’ai vérifié à plusieurs reprises : dans ces commentaires lumineux il n’y a aucun copier-coller de Wikipédia ou d’une revue d’art ; Thomas Schlesser témoigne ici d’une érudition artistique impressionnante ; il est vrai qu’il est critique d’art et auteur de livres chez Beaux-Arts, professeur à Polytechnique et directeur de la fondation Hartung-Bergman à Antibes.

Mais il délivre ici beaucoup plus que de l’érudition : dans les propos du grand-père, sans doute ceux de l’auteur, transparaît superbement la conviction que s’emparer de l’art, avec l’effort minimal d’apprentissage que cela implique, est indispensable non seulement symboliquement à la vision de la petite Mona, mais à la vie, à l’éveil d’un enfant équilibré, et aussi à l’acceptation des évènements de la vie chez les adultes âgés (comme on le verra à la fin), donc à la transmission des valeurs universelles entre générations.

Je connais peu de bouquins susceptibles de nous entraîner avec autant de conviction dans l’amour des arts plastiques : celui-ci en est un, assurément.

Je ne vous en dis pas davantage, car ce roman porte d’autres réflexions et méditations à une ou deux voix qu’il faut lire avec amitié pour les personnages et pour l’auteur.

Alors, intrigue mièvre, lourdingue, paternaliste, comme l’ont dit certains critiques ? Il y a des sots partout, même et peut-être surtout dans l’entre-soi de la critique artistique (et littéraire et musicale).

Chacune des 52 œuvres est reproduite dans la jaquette de couverture dépliante, hélas en trop petite taille pour nous permettre d’y repérer tout ce qui en est dit dans le texte. Une reproduction en pleine page eut été bien mieux illustrative ; l’éditeur y a sans doute renoncé pour des raisons économiques : il ne se doutait pas que l’ouvrage se vendrait à ce jour à plus de 160 000 exemplaires en France, 300 000 dans 60 pays et serait traduit dans 37 langues !

12 mai 2024