Celui dont nous t’offrons l’image,
Et dont l’art, subtil entre tous,
Nous enseigne à rire de nous,
Celui-là, lecteur, est un sage.
C’est un satirique, un moqueur ;
Mais l’énergie avec laquelle
Il peint le Mal et sa séquelle,
Prouve la beauté de son cœur.
Son rire n’est pas la grimace
De Melmoth [1] ou de Méphisto [2]
Sous la torche de l’Alecto [3]
Qui les brûle, mais qui nous glace,
Leur rire, hélas ! de la gaieté
N’est que la douloureuse charge.
Le sien rayonne, franc et large,
Comme un signe de sa bonté !
[1] Melmoth ou l’Homme errant est un roman gothique de Charles Robert Maturin publié en 1820 au Royaume-Uni. Baudelaire admirait ce roman et envisagea de le traduire.
[2] Méphistophélès est l’incarnation du diable qui rend visite au docteur Faust dans la tragédie de Goethe. Le peintre Ary Scheffer représenta Méphisto (Musée de la vie romantique, Paris).
[3] Mythologie grecque : fille de Gaïa et d’Ouranos, déesse infernale, évoquée par Virgile dans l’Enéide.