2021 08 21 : Drive My Car – film

C’est le genre de film que je crains (heureusement ils sont rares !).

Que je redoute, car je ne sais comment en rendre compte, ni en dix lignes ni en cent pages ; que je crains même de recommander à mes relations car je ne sais qu’en dire ; je ne sais qu’en exprimer car ces films là (heureusement ils sont très rares !) relèvent totalement du septième Art, or le langage cinématographique sublimé ne peut se traduite dans une langue écrite ou orale, sinon ce ne serait pas un art mais un divertissement, des images sur des dialogues, des illustrations qui pourraient être belles mais ne seraient pas picturales.

Et ce film de Ryusuke Hamaguchi appartient totalement à cette catégorie (malheureusement rarissime !) qu’on ne résume pas, en tout cas pas moi, qu’on ne décrit pas ou sommairement.

Et à cet égard, après l’avoir vu j’ai par curiosité lu minutieusement les critiques des médias ; et même les plus favorables et les plus habiles, sous les plumes les plus compétentes, ne restituent un dixième de ce chef-d’œuvre.

La grâce des images et des plans, bien sûr ; la délicatesse du thème : le travail de deuil, comme on dit quelconquement, de Yusuke Kafuku (Hidetoshi Nishijima), acteur dans le film et acteur dans le personnage qu’il joue ; la justesse des dialogues ; la poésie des couleurs ; la magistrale direction des acteurs (Toko Miura, Reika Kirishima, Masaki Okada) ; la restitution des sentiments et des êtres intimes.

Quand j’aurai dit cela, j’aurai ânonné quelques lieux communs dont vous n’éprouverez pas grand-chose et peut-être pas, hélas, l’envie d’aller le voir. Tant pis pour vous.

Si, peut-être, un indice pour y attirer les passionnés de littérature : Yusuke Kafuku, l’acteur-acteur, entreprend ce voyage automobile pour aller mettre en scène L’Oncle Vania d’Anton Tchekhov et vous grands lecteurs en savez la mélancolique tirade finale de Sonia :

« Nous nous reposerons ! Nous entendrons les anges. Nous verrons tout le ciel en diamants ; nous verrons tout le mal terrestre, toutes nos souffrances, noyés dans la miséricorde qui emplira tout l’univers ; et notre vie deviendra calme, tendre, douce, comme une caresse. Je crois cela, oncle ; je crois… Pauvre, pauvre oncle Vania, tu pleures… Tu n’as pas connu de joies dans ta vie, mais patiente, oncle Vania, patiente… Nous nous reposerons… Nous nous reposerons ! » [1]

21 aout 2021

[1] Tchekhov, bibliothèque de la Pléiade, Œuvres I, page 411