Mon programme ciné usuel indiquait que le film se déroule dans une cité des quartiers Nord de Marseille, chez des pauvres : la maman femme de ménage et le fils en taule après un braquage. J’ai failli décommander la séance par crainte d’encore un film misérabiliste indigeste, alors que je viens de terminer la relecture des Misérables et que les romans du génial Victor Hugo c’est quand même autre chose !
Mais je serais passé à côté d’une belle ouvrage car le film d’Hafsia Herzi tient la route, avec ce qui me semble une méticuleuse justesse (je dis « me semble », car la débine marseillaise je ne connais pas ; mais je suppute qu’elle ressemble comme deux gouttes de misère à la dyonisienne, qui tient toutes les promesses que les gouvernants ne tiennent pas à son égard).
Alors nous voici plongés dans le quotidien de Nora (Halima Benhamed, actrice non-professionnelle), quinquagénaire et modeste femme de ménage (une déveine n’arrivant jamais seule), qui tente de faire tenir sa famille, de préserver sa fille Sabah (Sabrina Benhamed, sa fille aussi dans la vraie vie) du commerce prostitutionnel et de soutenir son aîné Ellyes (Mourad Tahar Boussatha) qui en prévention attend son procès avec espoir et inquiétude.
Nul romantisme hugolien dans ce film, pas de réflexion de haute portée philosophique, pas davantage d’esthétisme cinématographique.
Des bons sentiments, oui, au sens premier du terme. Des lieux communs, des clichés ? La misère est comme ça, d’autant plus désespérante. La misère est comme ça, je vous l’affirme, et il était donc utile d’en faire non pas un chef-d’œuvre du 7ème Art mais une description naturaliste, pas un message mais un regard lucide, un temps de réflexion sur ces territoires non pas oubliés mais dédaignés de notre République libérale.
Et cela renforce ma conviction que ces milliers femmes de l’ombre sont l’avenir de nos banlieues dévastées. Quand tu les vois prendre le premier métro, tu comprends que le personnage « emblématique » des quartiers n’est pas le petit glandeur qui frime, deale, pétarade et tape un peu beaucoup sur ses sœurs.
23 juillet 2021