Ronsard le mal aimé : pour moi le mal aimé ce ne fut évidemment pas Apollinaire, en dépit du titre d’un de ses poèmes.
Le poète mal aimé de la littérature française c’est Ronsard, quoique nommé « le prince des poètes ».
Aimé ? oui certes, mais mal à propos, en dépit du beau sens de ses meilleures œuvres ; aimé n’importe comment.
Citez Ronsard à quiconque a terminé sa 3ème il vous répondra, garanti à 99 % « Mignonne allons voir si la rose… » l’un de ses poèmes mignons comme il en écrivit des centaines. Donc évidemment tous n’étaient pas de même niveau, et à mon avis Mignonne allons voir si la rose bof…bof…
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Alors que Ronsard écrivit de véritables chefs d’œuvres qui n’ont pas pris une ride.
Songez que le poème ci-dessous (que je cite intégralement, n’osant le charcuter) a 450 ans !
Si c’est aimer, Madame, et de jour, et de nuit
Rêver, songer, penser le moyen de vous plaire,
Oublier toute chose, et ne vouloir rien faire
Qu’adorer et servir la beauté qui me nuit :
Si c’est aimer de suivre un bonheur qui me fuit,
De me perdre moi même et d’être solitaire,
Souffrir beaucoup de mal, beaucoup craindre et me taire,
Pleurer, crier merci, et m’en voir éconduit ;
Si c’est aimer que vivre en vous plus qu’en moi-même,
Cacher d’un front joyeux une langueur extrême,
Sentir au fond de l’âme un combat inégal,
Chaud, froid, comme la fièvre amoureuse me traite :
Honteux, parlant à vous, de confesser mon mal :
Si cela est aimer, furieux je vous aime :
Je vous aime, et sait bien que mon mal est fatal :
Le cœur le dit assez, mais la langue est muette.
Des vers authentiquement romantiques, 250 années avant les lamartinades et les mussetteries…
Où trouver ce poème ? Dans l’édition… de la Pléiade, bien sûr, tome I page 370. Ou alors dans le recueil Les Amours chez Poésie/Gallimard.
1er décembre 2020