2020 01 26 : La Llorona – film

Ce film est un curieux mélange de fantastique et de politique comme on en voit rarement de nos jours. Dans ma modeste cinéphilie, je dois remonter à Buñuel ; mais cinéphilie vraiment très lacunaire puisqu’il y a déjà eu une demi-douzaine de films portant ce titre et je n’en ai vu aucun !

Fantastique, car le réalisateur guatémaltèque Jayro Bustamante ambitionne de nous raconter la venue d’un fantôme, la Llorrona (la pleureuse en espagnol).

Politique, car si la Llorrona pleure c’est qu’elle recherche ses enfants morts durant le génocide des indiens mayas ; politique car ce n’est pas de l’histoire ancienne, ce massacre de plus de 200 000 mayas (sur une population de 17 millions d’habitants) fut perpétré en 1982-1983.

Le général Efraín Ríos Montt (ici nommé Bustamente et interprété par Julio Díaz), dictateur sanguinaire qui ordonna le crime fut évidemment blanchi par un tribunal et coule dans son antre de vieux jours que l’on croit tranquilles, mais la Llorrona vient le hanter ; peut-être en s‘incarnant sous les traits de sa domestique Alma (María Mercedes Coroy) ? On ne sait.

Politique aussi car, dans une culture latino encore largement gangrenée de machisme, ce sont ici les femmes qui portent la conscience douloureuse du pays. Outre la domestique du tyran retraité, elles incarnent trois générations différentes : sa femme Carmen (Margarita Kénefic), sa fille Natalia (Sabrina de La Hoz) et sa petite-fille Sara (Ayla-Elea Hurtado).

Politique engagé, car même 35 ans plus tard, il n’est pas sans conséquence au Guatemala d’évoquer cette période (en France, peut-on aborder sereinement la sale guerre d’Algérie ? Pas tout à fait encore…) et Jayro Bustamante, ses acteurs, son équipe et même ses figurants reçoivent des menaces.

Raison supplémentaire d’aller voir ce film superbement glaçant et de le soutenir.

26 janvier 2020