2019 10 11 : Pour Sama – documentaire

Alep, c’est loin. Alep, c’est loin… déjà.

« Déjà », parce que dans mon propos je ne mesure pas la distance géographique ‑ certes la Syrie est à 4 000 km de Paris ‑ mais la distance temporelle : la révolte, le siège et la bataille d’Alep datent des années 2012-2016, quatre ans déjà et depuis, le cauchemar infligé au peuple par les factions syriennes et les interventions étrangères a martyrisé nombre d’autres villes devenues tristement célèbres : Raqqa, Kessab, Homs, Deir ez-Zor, Kobané, Palmyre, Deraa, Daraya, et maintenant Idleb, interminable litanie du calvaire moyen-oriental.

Nous voici donc transporté à Alep il y a cinq ans, au cœur du conflit puisque ce documentaire est filmé au jour le jour par Waad al-Kateab, une jeune Syrienne qui y survit et dont la caméra nous montre le chaos, les bombardements, les massacres, les destructions, la terreur permanente, mais aussi les espoirs, le courage, l’héroïsme et la solidarité populaires.

Waad et son mari médecin sont déchirés entre résister, résister encore, ou partir, partir pour Sama, leur fille.

Que dire de plus ? Coréalisé avec le britannique Edward Watts, ce documentaire est un témoignage exemplaire qui devrait, faute de pouvoir ni ressusciter les centaines de milliers de victimes, ni légitimer l’ingérence étrangère qui n’éteint pas mais amplifie la barbarie locale, ni régler le drame syrien à la place des Syriens…. au moins nous imposer, à nous Français et Européens, un devoir élémentaire d’accueil et d’assistance aux réfugiés.

Nous l’imposer ; mais rien ne se passe. On laisse honteusement les pays voisins aux prises avec le problème des réfugiés, on leur abandonne lâchement la gestion des flux de misère et de peur, y compris la Grèce et l’Italie pourtant membres de l’Union européenne.

Union ? Mais quelle Union au fait, sinon celle des affaires et du fric ? Voici que notre France et notre Europe laissent sombrer leur prestige, leur image, leurs valeurs essentielles, sans vergogne.

Mais dans nos programmes scolaires, nos colloques, nos évènements culturels, on préfère s’indigner doctement des indignités et passivités… de nos prédécesseurs qui ne sont plus là pour protester, les couards d’il y a 80 ans, Munich, Guernica, les camps d’Argelès et Saint-Cyprien, le Saint-Louis, le Patria et autres bateaux de Juifs refusés d’accoster.

11 octobre 2019