Quelques semaines après son élection, Emmanuel Macron désignait l’enjeu idéologique central de son quinquennat : « Les forces du monde ancien sont toujours là, bien présentes, et toujours engagées dans la bataille pour faire échouer la France ».
Cet argument du « nouveau monde » qu’il se donnait donc pour mission de faire émerger après 30 ou 40 ans « d’ancien monde » est depuis lors répété à l’envi et décliné sous toutes les formes par le président Macron, sa cour et ses obligés.
Certes cette modernité semble incontestable tant elle s’habille de formes extérieures évidentes : l’âge du capitaine, de ses ministres (exit donc Collomb et Bayrou !), de ses disciples En Marche, de procédés de communication relookés, de caméras pseudo-indiscrètes, de fausses confidences, bref d’une quincaillerie médiatique bien astiquée.
Mais quant au fond ?
Nombre d’économistes, ceux à qui on ne donne pas volontiers la parole sur les médias à la botte du Président (je veux dire actionnés majoritairement par les amis financiers du Président, ce qui in fine revient au même en plus discret…), signalent que la politique libérale mise en œuvre aujourd’hui est singulièrement « moderne » : celle du thatchéro-reaganisme des années 1980, qui a provoqué les dommages que l’on sait en donnant tout le pouvoir au capitalisme financier au détriment du capitalisme d’entreprise.
Mais je ne suis pas économiste, alors je n’en dirai pas davantage.
Par contre je fus professionnel de santé, donc là je peux parler.
Parler pour vous dire que ce plan Ma santé 2022 qui vient d’être présenté n’est pas pour me rajeunir !
D’abord parce que cette « grosse astuce » de présenter des plans prospectifs polarisant l’attention et les commentaires des médias sur la politique de demain afin d’absoudre les carences de la politique d’aujourd’hui, elle remonte à… trente ans :
Depuis 1989 (contractualisation d’Evin & Kouchner) en passant par 1996 (ARH de Juppé & Juppé), 2002 (droits du malade de Jospin & Kouchner), 2003 (Hôpital 2007 de J-F Mattei), 2004 (santé publique de Douste & Blazy), 2007 (Hôpital 2012 de X. Bertrand), 2008 (HPST de R. Bachelot), 2012 (Pacte territoire de M. Touraine)… j’en laisse en plan de ces bons plans et peut-être même les meilleurs !
Je me souviens aussi du mitan des années 1970 : une coalition corporatiste, allant de l’Académie de médecine au Conseil de l’Ordre en passant par les syndicats médicaux, les sociétés dites savantes et la FHF (qui a évolué depuis) menaient un virulent combat d’arrière-garde contre la montée en puissance des infirmières.
Et puis survint une ministre atypique, Simone Veil, qui outre la loi IVG qui porte son nom, commença à reconnaître le rôle du corps infirmier dans la machinerie hospitalière. Un décret parut, qui donnait à l’infirmière générale de chaque hôpital non pas un pouvoir (pas encore !) mais un simple droit de regard sur les candidatures et les affectations aux emplois d’infirmières… Scandale ! Je ressens encore intacte ma consternation de voir, lors d’un congrès, mes représentants syndicaux, la sainte alliance des mandarins, des directeurs et des bonzes de tout poil protestant avec indignation contre cette inacceptable mise en cause de leurs pouvoirs.
C’était donc il y a plus de 40 ans et pourtant, bis repetita placent pas du tout… puisque la subtile Agnès Buzyn, pour la préparation de ce plan Ma santé 2022 n’a pas même daigné consulter les organisations infirmières… Modernité ante-giscardienne, en effet !
20 novembre 2018
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