2016 09 24 : Leonardo Padura, fictions et réalités

De Leonardo Padura je n’ai jamais lu, et je le regrette mais le temps est court, la vie est brève, qu’un seul de ses romans policiers parus en français entre 1998 et 2009 ayant pour personnage central le désormais célèbre lieutenant-enquêteur Mario Conde.

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J’ai d’abord lu son long roman Hérétiques paru en français en 2013.

Dans la première partie, Daniel, prénom d’un ami, Daniel Kaminsky, lequel charge en 2008 Conde d’enquêter sur l’énigme d’un tableau de Rembrandt mystérieusement disparu à La Havane en 1939 et réapparu tout aussi mystérieusement en 2007. Cette intrigue imaginaire s’insère dans une histoire malheureusement vraie : celle du paquebot le Saint Louis à bord duquel se trouvaient des centaines de Juifs fuyant l’Europe et les persécutions nazies. Parmi eux les propriétaires du Rembrandt. Il fut contraint de quitter le port de La Havane en juin 1939 après six jours interminables de calvaire où finalement les autorités refusèrent de les laisser débarquer. Ils furent également refusés par les Etats-Unis isolationnistes et ces Juifs retournèrent en Europe où l’on devine le sort qui les attendait…(le fait est véridique).

La deuxième partie du roman, Elías, délaisse cette investigation de Conde pour nous transporter dans la vie de Rembrandt à Amsterdam au XVIIe siècle et celle d’un de ses élèves, Elias Ambrosius, un Juif enfreignant sa règle religieuse qui à l’époque interdisait la peinture comme idolâtrie.

La troisième partie du roman, Judith du prénom d’une adolescente disparue que Conde tente de retrouver, revient à La Havane en 2008, mais cette fois pour nous décrire la jeunesse cubaine qui se marginalise, divisée en tribus : emo (pour les vieux ignares comme moi : variété de pop-punk politisée), freaks (pour les vieux ignares comme vous : jeunes adeptes de l’étrange, du monstrueux, du fantastique) ou rockeurs.

On l’aura compris, ce roman en trois parties apparemment distinctes s’articule autour d’une même préoccupation : la sempiternelle résurgence de la persécution des Juifs à travers le monde.

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Puis j’ai lu L’homme qui aimait les chiens paru en français en 2011.

Là ce ne sont pas des victimes Juives mais un homme, un seul, mais quel homme ! Léon Trotski. Ce leader bolchevik, compagnon non sans dissensions de Lénine, devient après la mort de celui-ci en 1924 un rival et opposant résolu à Staline, lequel prend le dessus et le contraint à l’exil en 1929. Au terme d’une errance dans différents pays, il se fixe au Mexique en 1937.

Parallèlement le roman nous décrit le parcours d’un courageux révolutionnaire Espagnol, Ramón Mercader, stalinien convaincu et qui, devenu Jacques Mornard, commence par infiltrer les milieux trotskistes d’abord en France puis au Mexique, parvient à se lier à Trotski en se faisant passer pour un journaliste ami et on connaît la fin : le 20 août 1940 il assassine Trotski d’un coup de piolet dans le crâne.

A sa sortie de prison en 1960 il est exilé à La Havane et c’est là que le narrateur du roman, Iván, le rencontre par hasard en 1977 et commence à découvrir ce personnage finissant. Bref une fiction magistrale fondée, comme souvent chez Padura, sur des faits historiques.

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Enfin j’ai lu Ce qui désirait arriver, recueil de nouvelles qui vient de paraître en français.

Les intrigues et personnages en sont variés : un homme exilé deux ans en Angola ; une belle réflexion sur le peintre Velázquez ; une chanteuse sans réussite exilée à Miami ; une femme qui écrit pour ressusciter en esprit sa fille morte à dix-huit ans ; un exilé qui compte sur l’amour d’une femme pour rester en Italie ; une pianiste vieillissante dans un bar constatant que les hommes la regardent de moins en moins ; un homosexuel cherchant la rencontre au cinéma. Comme on peut le deviner, le point commun à ces récits est que leurs protagonistes sont cubains.

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Leonardo Padura un grand romancier qu’on lit facilement, avec plaisir et intérêt, même ses longs romans comme Hérétiques.

 

24 septembre 2016