On ne peut se limiter à n’évoquer que des événements dramatiques : il faut se préserver une résilience, par exemple devant un blanc sec ou un rouge léger… Alors « Paris sera toujours Paris ! » C’est ce qu’on dit lorsqu’on n’a rien d’important à dire, ou pour meubler une conversation qui s’étiole, ou pour caresser dans le sens du poil notre temps qui passe si vite, ou… parce qu’on n’en est pas vraiment sûr.
On n’est pas toujours certain en effet que « Paris sera toujours Paris ».
Non pas tant à cause des nouveaux immeubles, nouvelles rues, nouveaux aménagements : il y en a plutôt moins que dans d’autres capitales d’ailleurs, en tout cas il semble que question architecture et monuments, la notre s’en sort mieux que beaucoup d’autres par le monde, brutalisées, estropiées, mutilées, défigurées.
Non pas tant à cause de l’évolution des gens ; certes le Parigot d’aujourd’hui, s’il existe encore, n’a plus grand-chose à voir avec celui des années 60, mais est-ce regrettable ? Si certains traits archétypiques s’éteignent, d’autres apparaissent et c’est la vie, il y aura évidemment dans 30 ans des nostalgiques du Parisien d’aujourd’hui.
Ce qui est incontestable en revanche et regrettable et révoltant, c’est que Paris s’est presque entièrement vidé de sa population modeste : il faut avoir les moyens pour vivre désormais à Paris, sauf lorsqu’on est célibataire et qu’on se contente d’un petit appartement pas terrible dans certains quartiers. Mais là aussi, il paraît que notre capitale reste l’une des moins chères, tant à la location qu’à l’achat. Ce qui en dit long sur le dérèglement de ce monde abandonné aux promoteurs, banquiers et assureurs.
Mais ce qui est encore beaucoup plus tellement pire, et horriblement horripilant, voire légèrement agaçant, même si c’est parfaitement véniel, c’est la décadence des bistrots dans les quartiers touristiques : combien sont devenus peu accueillants, avec un certain lieu fort sale (vous savez, en bas à droite juste à côté des cuisines), ornés de serveurs malgracieux, accablés d’un service lent et bâclé.
Les touristes le disent, alors pauvres de nous qui les supportons au long de l’année ! Quant à ceux des limonadiers qui veulent (surtout à l’happy hour) pester plus haut que leur comptoir, voyez comme ils sont risibles avec leur décor prétentiard, leur carte envahie de Margarita, Pina Colada, Mojitos et Chivas Regal aux prix ébrieux.
Et leur unanimité à vanter la guimauve du Paris d’Amélie Poulain pour touristes venus de loin !
Sauf quelques-uns…
Sauf un, par exemple, pris au hasard (en cherchant bien, quand même) qui ne nous bassine pas avec le « Paris des Parisiennes », les amoureux de Doisneau, le Paris des events culturels. Non, le « Paris des divines tentations » qu’il affiche aux regards de tous les clients, mineurs inclus, ne vous sauvez pas en courant, ce n’est ni Pigalle, ni les quartiers chauds, ni les fourrés noctambuliques, ni les commerces de luxe, ni la culture toc, ni les bobos et boboses qui passent nez et bêtise en avant. Non, son Paris c’est ça :
Ce beau bar ? C’est Le Soleil d’Or, 15 boulevard du Palais dans l’île de la Cité.
31 juillet 2014