La transplantation enfin abordée sous l’angle sociologique et politique
Considérée comme la plus grande avancée thérapeutique du dernier tiers du XXe siècle, la transplantation d’organes pose un problème inédit. Avec le « greffon », ou organe à transplanter, une nouvelle ressource sociale apparaît, ressource essentiellement produite par la mort.
Du coup, la mort elle-même devient une ressource qu’il faut optimiser. La loi, les relations familiales et la technologie médicale y contribuent, mais sans parvenir à produire un volume suffisant de greffons. À la différence du plasma ou des gamètes, l’organe est « incorporé » et « appartient » à ce titre à la personne. Sous réserve de l’accord de celle-ci ou de sa famille, il peut certes passer d’un corps à un autre, mais sans jouir pour autant d’un statut juridique clair qui lui permettrait d’entrer de plain-pied dans le commerce social.
Cette grande question contemporaine est pour la première fois abordée dans toutes ses dimensions par Philippe Steiner. La transplantation d’organes a déjà entraîné la transgression de deux frontières : celle de la vie et de la mort et celle de la peau. Elle suggère maintenant d’en franchir une troisième, celle du commerce marchand. Déjà l’Iran a légalisé la vente d’organes et la Chine s’est faite exportatrice des greffons prélevés sur les condamnés à mort exécutés. La traversée de telles frontières politiques pose le problème de la commercialisation de l’humain et, au-delà, celui de notre humanité.
En ce sens, la sociologie économique de la transplantation proposée par Philippe Steiner est une forme de l’anthropologie politique du monde contemporain.
Professeur de sociologie à la Sorbonne, Philippe Steiner est l’auteur de nombreux ouvrages, dont La Sociologie de Durkheim (La Découverte, 5e édition, 2005). En 2009, il a codirigé avec François Vatin un Traité de sociologie économique (PUF).
Philippe Steiner
avril 2010 – 336 pages – 24,90 €
Collection Bibliothèque des sciences humaines
Editions Gallimard – nrf