Pendant la recomposition…
Dans ce numéro nous évoquons le rapport de Gérard LARCHER Sur les missions de l’hôpital et interviewons Gérard VINCENT sur l’Atlas hospitalier et médico-social de la FHF. Ceci n’est pas pure coïncidence. L’Atlas est paru depuis quelques mois ; la remise du rapport était programmée : c’est délibérément que nous avons attendu l’un pour vous parler de l’autre.
De nombreux observateurs pour s’en féliciter, quelques-uns pour s’en plaindre, relèvent que le rapport Larcher est largement influencé par les idées de la FHF. Dans notre édito du n° 96 de juillet 2004, nous nous prenions à rêver : « si demain les hospitaliers, unis sur quelques idées fortes, inventaient la politique réformatrice que leurs ministres successifs, depuis quelque temps, ne savent ou ne peuvent plus faire aboutir ? » Nous n’aurons pas le ridicule de prétendre avoir été entendus, simplement la réalité a concrétisé notre conjecture.
Que certains s’indignent du « cadeau » que fait Gérard Larcher aux cliniques en leur proposant de prendre part au service public hospitalier rappelle irrésistiblement aux plus anciens d’entre nous les débats préparatoires de la grande, grande loi du 31 décembre 1970. Dans le projet Boulin figurait un dispositif de participation, d’association voire de concession du SPH aux établissements privés. De rigoureux défenseurs du service public crièrent au loup… On sait 35 ans plus tard que rares furent les cliniques à profiter de l’« aubaine ». Certes le capitalisme sanitaire pratique maintenant une politique commerciale autrement agressive et l’idéologie libérale a envoyé le dirigisme gaulliste au Musée Grévin. Néanmoins, aujourd’hui comme hier, ce ne sont pas les outils juridiques ou techniques qui créent l’opportunité (pour le privé) ou le danger (pour le public), mais le contexte…
L’exigence de recomposition des petites et moyennes structures : n’est-elle pas une évidence ? Qui peut hésiter entre sécurité et proximité ? Il est sans doute râlant de constater que, parfois, les impératifs de sécurité sont allégués pour ne pas avouer des desseins d’économies mesquines ; mais la plupart du temps les faits objectifs sont là. Et ceux qui, dans leur hôpital local ou petit centre hospitalier, subirent des années durant les « propositions » de reconversion a minima qu’on leur jetait comme une aumône ‑ alors que la prise en charge gériatrique se résumait à des sections de cure médicale étiques et des longs séjours ghettos ‑ se félicitent que la politique en faveur du grand âge soit enfin conçue avec ambition et avec les moyens.
…la décomposition continue
Les moyens… nous y voilà. L’exécutif ira-t-il au-delà des belles perspectives tracées par ce beau rapport ? S’il fallait suggérer une impression physique pour ce que ressentent en ce moment les hospitaliers, ce serait plutôt celle du garrot qui se resserre…
Gérard Vincent rappelle sans se lasser que la T2A, par construction, rémunère les établissements sur la base des coûts moyens : donc dans une enveloppe ONDAM fermée, ceux qui ont des coûts plus légers dégagent des profits (dans le public, ce profit on le réinvestit dans des activités… profitables à tous), tandis que ceux qui ont des coûts supérieurs doivent réduire la voilure. Une T2A réellement « redistributive »… induit la suppression d’emplois ici pour en financer là.
Or qui assume vraiment cette logique, pourtant explicite dès l’origine ? Parfois les responsables hospitaliers ne prennent pas les mesures que le contexte local permettrait. Mais le plus souvent, c’est la tutelle qui esquive, recommandant de s’en sortir « vers le haut » en faisant de l’activité.
Faire de l’activité ! Si, au surplus d’activités nouvelles généré par la productivité des uns, s’ajoute le surcroit d’activité de ceux qui veulent sauver leur peau, globalement l’activité augmente. C’est sans doute utile en termes de santé publique… mais l’ONDAM explose. Et la tutelle de suivre à guichet ouvert ? Tiens donc ! Elle s’empresse à chaque fois… de diminuer les tarifs. Le système se met alors, non pas en mouvement, mais en cercle vicieux ; celui de centaines de roues où des centaines d’écureuils grimpent et grimpent encore, les uns croyant s’élever, les autres ne plus s’enfoncer.
Pourtant cette T2A, tout le monde ou presque l’a voulue : nouvelle illustration que ce n’est pas l’outil qui fait la décision, mais le contexte. Combien de temps encore va sévir cette sidérante reculade face aux responsabilités ? Combien de tours encore dans votre roue, braves écureuils ?
A moins que le Président ne rompe avec cette stratégie du pourrissement reçue en héritage. Nicolas Sarkozy sera-t-il Tranche-montagne gesticulant ou Alexandre tranchant le nœud gordien ?