Edito DH n° 96 juillet 2004 : En mai, il s’est passé quelque chose…

Il est des décideurs hospitaliers que la morosité ou la lassitude pourraient pousser à la distraction. Ainsi de ceux qui, juillet presque fini, bouclant leurs valises, qui pour partir qui pour rentrer de vacances, affirmeraient qu’au printemps 2004 il ne s’est rien produit de majeur. Alors qu’il est advenu un fait de première importance.

Le nouveau ministre ? Malgré toute la bienveillance que manifestent prodigalement les hospitaliers à l’égard des nouveaux nommés, il serait présomptueux de faire des premières semaines du ministère Douste-Blazy un immense évènement. L’intéressé lui-même ne semblant pas âprement résolu à durer dans ce département ministériel, il conviendra que nous même attendions que l’attributaire de la charge se soit fixé religion.

Une ou deux réformes d’ampleur ? Le changement de gouvernement a apporté beaucoup d’eau tiède dans le vin déjà clairet des réformes.

Celle de l’assurance maladie ? Des commentateurs politiques saluent l’habileté du ministre à faire passer son projet en douceur. Peut être bien, mais quel projet ? Allégé, affadi, au point qu’il ne s’agit plus d’une réforme ‑ au sens étymologique, porteuse en elle-même et à elle seule des voies et moyens d’un retour à l’équilibre et à une gestion rénovée ‑ mais tout au plus d’un énième replâtrage destiné à gagner du temps… jusqu’en 2007. Il y avait pourtant dans le texte initial deux grandes idées : celle d’une Haute autorité de santé, indispensable pour sortir les choix de santé et leur financement des polémiques et des atermoiements ; celle du dossier médical personnel, essentiel pour mettre enfin en synergie l’art médical individuel et l’immense développement des savoirs collectifs, pratiques de réseau et respect du patient. Mais la lecture attentive du projet de loi montre hélas que l’une et l’autre sont insérées a minima et qu’au terme de la procédure législative il n’en restera pas grand’chose…

Réforme de l’hôpital ? A quoi donc va finir par se réduire la nouvelle gouvernance en dépit de travaux préparatoires de grande qualité ? Et cette amnistie budgétaire ambiguë : effacer les dettes, mais lesquelles ? Totalement, avec 300 M€ alors qu’il en faudrait 3 ou 4 fois plus ? En mesure pérenne, en « rebasage » pour employer le jargon comptable ? Et cet amusant classement des hôpitaux… Quand on songe que l’objectif initial était de libérer les énergies et restituer une véritable autonomie !

Non, l’évènement de ce printemps, ce fut l’élection de Claude Evin à la présidence de la FHF. Nomination certes prévisible mais non moins salutaire. Quand on aura murmuré, comme nous l’avons entendu dans les allées, que l’ancien ministre n’est ni un orateur à la période majestueuse, ni un polémiste qui fait vibrer une salle, ni un rhéteur qui fait frissonner d’aise les lettrés, et pas davantage un habile rompu à l’art de balancer sans cesse pour ne rien décider, alors on aura tout dit et le vice ordinaire aura rendu son hommage à la vertu nécessaire.

Et l’on se prend à rêver : si demain les hospitaliers, non pas unanimes sur telle ou telle motion alambiquée, mais unis sur quelques idées fortes portées par leur président, inventaient la politique réformatrice que leurs ministres successifs, depuis quelques temps, ne savent ou ne peuvent plus faire aboutir ? Si le concept de la « société civile » (quel vocable idiot !) si longtemps annoncée, espérée, glosée puis délaissée, se concrétisait là, pour enfin sortir de cette crise qui n’en est pas une mais qui dure durement ? Il y faut pour cela une personnalité qui, le projet une fois formé, sache le porter bien au-dessus des mêlées corporatistes et bien au-delà des prospectives technocratiques. Il y faut un caractère et il nous surprendrait fort que celui-ci n’en soit pas un…