Il est mort à un âge avancé, sans traverser la phase terminale d’une maladie pénible, dans son sommeil, la mort que chacun souhaite.
Alors il faut saluer l’acteur. Et quel formidable acteur ! Au-delà de dizaines de navets, on retiendra l’homme de théâtre et, au cinéma, de grands rôles comiques et quelques rôles dramatiques où il montra quel talent hors du commun l’habitait, par exemple dans Le Juge et l’assassin de Bertrand Tavernier.
Pour ce qui me concerne, cette évidence d’un talent immense me fut donnée un jour de 1980 en regardant Le Tartuffe ou l’imposteur de Molière où il était Tartuffe, précisément. Et en particulier cette scène, qui figurera en premier rang, j’en suis persuadé, de la médiathèque des cours d’art dramatique : la scène III de l’acte III où il déclare sa flamme à Elmire.
La force d’interprétation qu’il exprima, même si elle lui fut peut-être inspirée par le réalisateur Jean Pignol, fut de traduire fidèlement le vrai personnage de Tartuffe, celui que l’on décrypte lorsque on lit plusieurs fois le texte de Molière.
Tartuffe n’est pas l’affreux salopard nuisible et manipulateur auquel on l’a souvent réduit et caricaturalement joué ; ou plutôt il n’est pas que cela. Sa duplicité est totale, y compris envers lui-même. C’est aussi un pauvre type en proie à des tourments, à des désirs inassouvis, aux rebuffades féminines que ses laideurs physique et mentale lui attirent. Et là, devant Elmire il craque et dévoile bien davantage qu’une pulsion libidinale, il se livre clairement et… sincèrement. Surprenant, vous ne trouvez pas, pour l’archétype de l’hypocrite, du dissimulateur et du menteur ? Il nous devient presque pitoyable.
19 janvier 2016