La mort : CXXII – LA MORT DES PAUVRES

C’est la Mort qui console, hélas ! et qui fait vivre ;
C’est le but de la vie, et c’est le seul espoir
Qui, comme un élixir [1], nous monte [2] et nous enivre,
Et nous donne le cœur de marcher jusqu’au soir ;

À travers la tempête, et la neige, et le givre,
C’est la clarté vibrante à notre horizon noir ;
C’est l’auberge fameuse inscrite sur le livre [3],
Où l’on pourra manger, et dormir, et s’asseoir ;

C’est un Ange qui tient dans ses doigts magnétiques
Le sommeil et le don des rêves extatiques [4],
Et qui refait le lit des gens pauvres et nus ;

C’est la gloire des Dieux, c’est le grenier mystique [5],
C’est la bourse du pauvre et sa patrie antique,
C’est le portique [6] ouvert sur les Cieux inconnus !

Georges Chelon 1997

LUÍS DE FREITAS BRANCO 1909

[1] Boisson obtenue par mélange secret de certains sirops et censée procurer un effet positif.
[2] Au sens de : nous remonte.
[3] Dans les écrits chrétiens des premiers siècles, l’auberge, qui accueille tous ceux qui désirent y entrer, symbolisait l’Église.
[4] Qui causent une forte sensation d’extase.
[5] Qui concerne les pratiques, les croyances visant à une union entre l’homme et la divinité.
[6] Espace long ou circulaire, dont la couverture est soutenue par des colonnes.