Je dirais, au pifomètre, que j’ai lu à peine la moitié des livres de Frédéric Dard. Une petite moitié ; et une lecture espacée sur 40 ans !
Je vais donc m’y remettre et j’attends, j’espère, je souhaite, je veux encore croire que la Pléiade publiera ses œuvres complètes avant la fin du siècle. Bouquins l’a fait, en 18 tomes, mais se limitant aux San-Antonio.
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Ce serait pour l’anciennement estimable Pléiade de l’anciennement honorable éditeur Gallimard une manière de se racheter de ses récentes turpitudes. Tiens ! au passage, animé d’une formidable colère béruréenne, je développe :
► Désinvolture envers le fidèle lecteur qui achète religieusement les Pléiade au fur et mesure de leur parution, que de le laisser en souffrance avec une trentaine de chantiers à l’abandon. Je veux dire des œuvres ou des suites non terminées… et qui sans doute ne le seront jamais.
► Équivoque malhonnête ‑ mais réitérée dans chaque catalogue annuel ‑ que de signaler tel volume comme « Indisponible provisoirement » pour le faire échouer finalement à la fosse commune des « épuisé ». Irrévocablement.
► Imprécision : le lecteur qui voudrait savoir, lorsqu’il achète un tome d’une suite, de combien elle en sera composée, reste sur sa faim, car trop souvent la Pléiade ne daigne pas l’indiquer.
► Tromperie d’appellation, quand la Pléiade nomme un volume ou une suite « Œuvres », alors qu’il ne s’agit en réalité que d’un échantillon d’« Œuvres choisies » ; ce qui n’est évidemment pas du tout la même chose, surtout lorsque sont absentes de ce corpus d’« Œuvres » certaines qui sont essentielles.
Peu glorieuse, cette capitulation du noble principe éditorial face à la vile stratégie commerciale, d’ailleurs elle n’est pas avouée mais elle est évidente : « formater » le volume ou la suite aux perspectives de ventes et donc de rentabilité.
Dernières victimes : Cioran, Jean d’Ormesson (qui perfidement avait lui-même de son vivant un peu vendu la mèche du pourquoi de la chose…), Mario Vargas Llosa, Romain Gary, Georges Simenon…
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Mais revenons à notre sujet jouissif, à Frédéric Dard. Si improbablement donc il entrait en Pléiade en Œuvres complètes, il s’y étalerait en combien de tomes ? XX au moins, XXX peut-être bien. Et encore, sans excès de notes ou notules !
Peut-être même davantage, pensez : cent soixante-quinze San-Antonio et une centaine d’autres bouquins sous sa signature ou sous un autre pseudonyme.
Alors si cette 8ème merveille éditoriale s’érige un jour de mon vivant, je prends l’engagement formel, levant la main droite devant les mânes de Béru et Pinaud, de la lire en entier, d’une seule lancée, entrelardée toutefois de pauses récréatives en Comédie humaine et en Rougon-Macquart, sortes de pyramides de Khéphren et Mykérinos accompagnant humblement l’incomparable Khéops du grand pharaon Dard.
Cette aventure littéraire en solitaire, je m’y engagerai ‑ je m’y engage ‑ lors du confinement, long, très long, plus que long, que nous vaudra la Covid-27 ou Covid-33…
Promis, juré, craché par terre (chez moi j’ai le droit) ; et si je mens je vais en enfer !
15 avril 2020
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