Francisco Franco fut une ordure, qui peut aujourd’hui en douter ? Dans ce XXe siècle qui nous offre l’embarras du choix, Franco ne fut ni le pire en termes quantitatifs et qualitatifs de crimes, d’assassinats, de tortures, ni le plus perversement inventif quant à la créativité doctrinaire ou idéologique,
Ce fut un salaud de première magnitude parce qu’il se glissa au contraire dans les habits surannés du catholicisme pour renouer avec les plus sombres comportements de l’Eglise (mais souvenons-nous, c’est déjà d’Espagne catholique que les conquistadors partirent perpétrer leurs massacres et c’est en Espagne que l’Inquisition prospéra le mieux et le plus longtemps).
Ce fut un salaud de première habileté parce qu’il sut esquiver l’engagement dans l’Axe hitléro-musolinien et ainsi assurer sa survie jusqu’en 1975 grâce à la mansuétude peu regardante des démocraties occidentales.
Mais ce fut aussi un salaud de finasserie intellectuelle en se prétendant le défenseur de la séculaire culture espagnole.
C‘est ce que nous montre le film d’Alejandro Amenábar.
Car on y voit, au début de la guerre civile à l’été 1936, le grand écrivain Miguel de Unamuno (Karra Elejalde) figure de l’existentialisme chrétien, recteur de l’Université de Salamanque, soutenir de tout son prestige la camarilla rebelle avec la conviction qu’elle va rétablir l’ordre et la concorde.
Unamuno est certes au soir de sa vie (il disparaîtra le dernier jour de l’année 1936) mais demeure encore attentif et lucide : c’est donc que Franco (Santi Prego) parvient habilement à le duper.
Au bout de quelques mois, mais c’est déjà trop tard, l’écrivain dessillé par la cruauté et les premières abominations du franquisme écrit à Franco : « Vous vaincrez, mais ne convaincrez pas ».
Il croit ainsi clouer le salaud au pilori de la morale… sauf que le salaud bien évidemment s’en fout comme de ses premiers crimes au Maroc en 1921 ; et l’histoire triviale de ce siècle abominable de lui donner raison, puisqu’il commit encore et encore ses forfaits 40 ans durant (souvenez-vous de Salvador Puig i Antich, anarchiste de 25 ans garrotté en 1974, dernière année de règne du salaud).
Sortant du cinéma, je pensais évidemment à notre immense Bernanos, catholique fervent lui aussi, et qui lui aussi sera dupé par le franquisme quelques mois durant ; mais Dieu l’ayant laissé vivre, il livrera dès 1937 le premier et inoubliable pamphlet antifranquiste : Les Grands cimetières sous la lune.
25 février 2020