Ami-e-s directeurs d’hôpitaux que je connais, que j’ai connus, qui par hasard seriez pour le calcul de la retraite par points… méditez ce que nous avons vécu en 2005-2008 avec le passage au financement des dépenses hospitalières par la T2A.
La T2A ? Pour les profanes : la tarification à l’activité, issue de la nième réforme hospitalière dite plan Hôpital 2007.
Donc, selon les promoteurs de cette usine à gaz (dont par charité je ne rappellerai pas les noms), les hôpitaux n’allaient plus être financés par une dotation globale, « ringarde, immobiliste, inflationniste, entretenant les situations acquises » (déjà les éléments de langage du libéralisme en marche !) mais en proportion de leur activité, traduite en points.
Solution indubitablement vertueuse : les hôpitaux qui bosseraient plus recevraient plus, les services actifs dynamiques et novateurs seraient mieux dotés que les poussifs. Silence donc dans les rangs des opposants et des sceptiques, renvoyés à leur désuétude comptable et à leur conservatisme féodal.
Ah que j’en ai vu des collègues, naïfs, ou fayots, ou roublards, qui en étaient béats. Et en tout cas le clamaient bien fort, notamment devant les autorités investies du pouvoir de notation et de promotion.
Pour mettre en place cette T2A, il fallut enfanter un monstre statistique dénommé PMSI-GHM/GHS : des milliers d’heures perdues par des médecins ou autres forçats à coter, décompter, transmettre les milliers de soins réalisés quotidiennement.
Un traitement fastidieux et tellement complexe que seule une informatique coûteuse… et invérifiable pouvait le traduire en points ; donc perte de contrôle démocratique. Pardi ! Ca tombait bien !
Mais c’est pas tout ! Mais c’est pas tout !
Si l’activité globale au plan national augmentait davantage que le pourcentage de progression des dépenses (ONDAM) voulu par le Gouvernement ? Eh bien, ce brave Gouvernement diminuait la valeur du point. Et hop, passez muscade au jeu du bonneteau ministériel.
Donc un hôpital réalisant l’année n la même activité que l’année n-1 verrait son financement diminuer. Et hop, dansez Muscadins, Incroyables et Merveilleuses.
Il était là, il est toujours là évidemment, l’intérêt du calcul par points.
A l’époque, je fus l’un des rares à publier en avril 2008 un édito sur cette arnaque. Sous le titre Recomposition, décomposition… j’y pronostiquais des centaines de petits écureuils s’exténuant à monter et monter encore vers davantage d’activité, tandis que la roue des tarifs et des recettes ne cesserait de descendre.
10 décembre 2019