2019 07 06 : Cézanne, l’austérité du génie

Sitôt que je me suis pris d’intérêt pour la peinture j’ai placé Paul Cézanne au-dessus de la plupart des peintres impressionnistes de sa génération, et cela faisait rire mes amis des Beaux-Arts ; il est vrai que c’était une opinion farfelue puisque je n’avais pas le début d’un commencement d’une compétence artistique.

J’estimais que si les impressionnistes avaient libéré la lumière et exonéré la peinture de l’obligation de réalisme que la photographie rendait désormais caduque, Cézanne allait plus loin dans sa recherche besogneuse sur les formes géométriques, la structure et la modulation chromatique.

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Il n’y a pas d’effets superflus chez Cézanne, il va à l’essentiel, on ne s’en aperçoit pas sauf lorsqu’on cherche à analyser l’impression de plénitude que sa toile nous apporte.

Il n’y a pas de facilité chez Cézanne : je croyais comprendre qu’étant de la génération, à une ou deux années près, des Renoir, Monet, Sisley, Degas, Morisot, Guillaumin, il prenait comme point de départ l’étape où ils s’étaient arrêtés et prospéraient.

Mais je ne connaissais que très partiellement Cézanne : ses Montagne Sainte-Victoire, ses Estaque, ses Pommes et ses Baigneurs ou Joueurs de cartes. Je n’avais jamais prêté attention à ses portraits. Alors quand à l’été 2017 il y eut à Orsay une exposition dédiée aux Portraits de Cézanne, je m’y suis précipité.

On a souvent dit que Cézanne était le génial père de la peinture moderne pour ses paysages, ses volumes, ses natures mortes, ses compositions de personnage en groupe ou en pied ; mais qu’en revanche il n’était pas de même niveau pour le portrait, car « pas assez expressif ». Certains ont affirmé qu’il peignait les hommes et surtout les femmes « comme ses pommes ».

Je ne vais pas là-dessus ajouter mes petites pommeries qui ne feraient ni le poids ni le calibre à côté de celles qui ont été déjà étalées au Rungis des grossistes pommesques.

Car cette exposition suffisait à pulvériser définitivement cette sottise. Les deux cents portraits peints par Cézanne sont presque tous superbes, les dizaines présentés à l’exposition le sont tous ; et la « froideur » que le peintre semble affecter, notamment pour ses autoportraits, est en réalité un concentré d’expression.

Je suggère simplement d’examiner les portraits qu’il fit de sa femme Hortense : tout ce qu’il y exprime est absolument bouleversant.

6 juillet 2019

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