Hier, j’étais allé voir mon confesseur pour la visite mensuelle de routine et de contrôle. Simple formalité : 45 minutes d’interrogatoire rondement mené, pas davantage.
Mais à la fin, le préposé tonsuré y me dit :
– Mon Fils c’est la dernière fois que je vous rencontre de visu, in conclavo, intuitu personae, car dorénavant le sacrement de confession sera délivré via Internet et Facebook.
– Ah d’accord mon Père, j’y dis, je comprends, j’ai bossé dans la santé alors je connais le procédé : consultation à distance sur écran, vous m’interrogez minutieusement, vous évaluez mon cas, vous concertez avec des référents, vous posez le diagnostic et hop ! absolution moyennant contrition.
– Pas du tout mon Fils, au diable ces formalités redondantes… et chronophages. Or ce temps nous ne l’avons plus, et pas possible de recourir à des mercenaires de remplacement comme vous faites dans les hostos.
Donc plus d’interrogatoire. Subito absolutionem : c’est la solution au grave problème des déserts sacerdotaux dont on débat à la télé, à cause de ce satané numerus clausus & celibatus & masculunus coniugatis.
– Quoi ? Plus de confession circonstanciée, mon Père ?
– Elle serait inutile mon Fils, puisque Facebook sait déjà tout de vous :
• les sites inavouables que vous visitez
• la géolocalisation de vos péripatéties diurnes ou nocturnes
• vos paiements sans contact dans les bars happy hour
• vos paiements, avec contact hélas, dans des lieux de perdition
• vos retraits de cash un peu trash
• vos achats de gourmandise ou de vanité
• vos transactions balkaniennes
• vos mensonges à épouse, amantes, amis, collègues et chefs, par mails, SMS, textos, Skype…
et autres dépravations consignées à jamais dans les warehouses célestes du big data Facebook et pieusement numérisées et sauvegardées au cloud, paradis de la salvation whatsappienne dont seul saint Pierre a la clé cryptée sur 256 bits.
– Maiz’alors mon Père, j’y rétorque, pourquoi encore imposer une formalité en ligne ?
– Maiz’enfin mon Fils, pour le barème de contrition ! Car pour être pardonné chaque semaine et récupérer vos points d’inconduite et votre permis de pécher, il vous faudra battre votre coulpe hexadécimale et réciter une play list de prières adéquates.
Mais rassurez-vous, il n’y aura pas de file d’attente puisque votre quota pénitentiel sera automatiquement incrémenté en temps réel à chacune de vos défaillances détectées. Et un algorithme certifié, personnalisé et d’ailleurs évolutif vous infligera la juste sentence et les possibles peines accessoires :
Il vous suffira de taper sur votre cathophone l’appli confiteor, hashtag #meaculpa ou #meamaximaculpa.
– Ah bon mon Père, me voilà rassuré ! J’avais peur que l’engorgement des centres Salut 15 ne vous incitât à fermer les petits confessionnaux de proximité et ne plus maintenir qu’un seul groupement territorial de repentance par évêché, avec un seuil de rentabilité absolutoire de 1 200 passages quotidiens et une réorientation des péchés non mortels vers SOS-jaifauté ou UBER-sin.
Mais ce sera combien de sous sonnants et trébuchants ? Payables par WU ou MoneyGram sur #denierduculte ? Et tarifés par IOD (indulgences on demand), au forfait ou sur abonnement illimité ? Pas très cathodique tout ça : on va encore subir les sarcasmes des calvinistes et luthériens.
– Maiz’enfin mon Fils, ce sera gratuit ! Facebook se rémunèrera en revendant la liste détaillée de vos turpitudes aux fournisseurs amazon-sataniques et aux commerçants alibaba-démoniaques qui seront ainsi mieux ajustés pour vous dépraver jusqu’à l’os.
– Ah mon Père qui êtes au Dieu, on vit une époque formidable ! Je vais de ce pas mettre un triple cierge à saint Zuckerberg, saint Bezzos et saint Zhang d’Asie majeure.
29 juin 2019