Voici un film dans l’air du temps ; dans l’air humide et glacé de notre temps, pas météorologiquement parlant mais socialement, humainement, puisqu’il a pour sujet les personnes au-dehors, en dehors de nous et exclues de tout, les SDF en sigle sociologique. Et plus particulièrement les femmes à la rue.
Et elles vont bientôt l’être intégralement, à la rue, 24h / 24h, puisque l’Envol, leur centre d’accueil du côté de Valenciennes, va être fermé administrativement et donc clos hermétiquement à leur venue nocturne. Dans trois petits mois.
Lors, et c’est là que le réalisateur Louis-Julien Petit préfère traiter ce sujet cruel sous l’angle de la comédie, les travailleuses sociales Audrey (Audrey Lamy), Manu (Corinne Masiero), Hélène (Noémie Lvovsky), Angélique (Déborah Lukumuena) et d’autres vont tout tenter pour déjouer le pire du pire et conserver un toit à ces femmes : elles deviennent allègrement roublardes, menteuses, faussaires, enjôleuses… aux grands maux les petits expédients.
Ces femmes à la rue ? La plupart de leurs rôles sont tenus par des personnes qui ont réellement été dans cette situation et cela donne au film une authenticité assez sidérante. Quant aux actrices professionnelles, elles sont épatantes.
L’accueil de l’intelligentsia et de la critique fut presque unanimement approbateur et laudateur, sauf l’exception (il faut toujours des pisse-froid même dans les caniveaux glacés de l’hiver) de trois crétins qui y décelèrent « démagogie », « baudruche gavée de bons sentiments » et « misérabilisme sans profondeur »).
Une fois dehors, empruntant mon trajet habituel, où la petite partie visible à Paris des milliers de personnes à la rue l’était précisément en cette heure tardive du mois de janvier, je me demandais si cette unanimité dans l’émotion des décideurs et des penseurs allait changer quelque chose, enfin, vraiment, à cette misère… que pour l’instant on se contente de cacher puisque tartuffesquement on ne veut plus la voir.
Réponse dans quatre mois, à la fin de la période hivernale…
19 janvier 2019
