Cette petite pièce de théâtre (150 pages) est un raccourci exemplaire du génie littéraire de Karel Čapec, cet écrivain qui vécut brièvement (il meurt à 48 ans), à une mauvaise période (1890-1938, il connut la résistible émergence du nazisme et sa prise du pouvoir dans le pays voisin) et dans le pays le plus vulnérable (cette Tchécoslovaquie trop jeune, puisque créée en 1918, et premier pays non germanique en bute aux visées agressives d’Hitler).
1938 : vous penserez qu’il est mort à temps, n’ayant donc pas connu l’annexion survenue un an plus tard. Sauf qu’il aura subi, d’autant plus férocement qu’il était devenu le chef de file du courant progressiste et humaniste, la haine et la vindicte de la droite profasciste qui métastasait à Prague et sapait les efforts de résistance à l’infiltration nazie.
En outre, fatalité, la langue tchèque n’est parlée qu’en Tchéquie et son œuvre immense ne connut de ce fait après-guerre qu’une modeste diffusion dans l’intelligentsia européenne.
L’intrigue de La maladie blanche nous livre une peinture cruelle du monde médical de l’époque ; mais c’est aussi une parabole et une anticipation glaçante.
La population est atteinte d’une sorte de lèpre qui se manifeste par des taches blanches sur la peau de personnes âgées de plus de quarante-cinq ans. Les malades n’en ont alors plus que pour quelques semaines à vivre, dans des douleurs horribles.
Le docteur Galen trouve le remède, mais refuse de soigner les riches tant que la paix mondiale ne sera pas instaurée, puisque ce sont les riches qui à la fois portent la responsabilité de la montée des périls et ont l’influence pour les conjurer.
Evidemment, le pouvoir, la haute société et la Faculté s’étranglent d’indignation et rejettent le « chantage » du Dr Galen, qui devient en quelque sorte un pestiféré social.
Mais voici que le Maréchal qui impose au pays sa dictature et sa politique guerrière est victime, à son tour, du mal et finit par céder, pour ne pas mourir, aux conditions du Dr Galen. Lorsque celui-ci, enfin, est admis à lancer à la foule des nationalistes « Non à la guerre ! Non à la guerre ! », celle-ci, exaspérée se déchaîne contre le « traître », le tue et piétine le précieux médicament qui allait enrayer l’épidémie…
24 mai 2017