C’était aujourd’hui la Journée nationale du souvenir de la déportation.
Cela m’évoque des souvenirs précis : douze exactement, puisqu’à partir de 1978, Jean CHANTON nous fit l’insigne et excessif honneur, à ma famille et à moi-même dont l’âge nous plaçait évidemment hors de cette communauté des déportés, de nous inviter à la rencontre qu’il organisait à Nice comme président de l’Association des déportés, internés et ayants droit de la Résistance (ADIAR).
Après son décès fin 1987, nous avons continué d’accompagner sa veuve Janine CHANTON en 1988 et 1989.
Nous allions nous recueillir devant le monument aux morts de Rauba-Capeù ou au cimetière de Caucade, puis nous nous rendions dans un petit restaurant de l’avenue des Palmiers partager un repas modeste mais animé de chaleureuses conversations et qui durait longtemps, sans que je m’en aperçusse. Pour conclure la journée, l’assemblée reprenait le Chant de la Libération.
Le souvenir intense que j’ai de cette période lointaine, c’est l’extraordinaire vivacité d’esprit et la jeunesse de caractère de ces femmes et hommes qui avaient risqué leur vie, côtoyé la mort, subi des tortures et traitements inhumains et qui, pourtant étaient là tout simplement. Sans donner de leçon, et donc, quand ils évoquaient (un peu, pas tous) leur expérience, c’était avec modestie. Les discussions politiques étaient exclues, non pas évidemment qu’ils n’aient d’opinions, mais ce qu’ils avaient vécu en commun durant la Guerre transcendait ce qu’ils avaient été avant et ce qu’ils étaient devenus après.
Je me souviens encore de quelques noms, et je m’en veux de n’avoir pas noté les autres : Mme Fernande BATAILLE, Mme et M. Claude BOUSQUET, M. et Mme de BREUVERY, M. Emile CAMPOS, M. et Mme DELOBEL, Mme Suzanne KOLECKAR, M. Albert LEVY, M. Peyric MARIN, M. Robert NAMIAND, M. Ange ROUX, M. David TERZI, M. et Mme Frédéric TREBBIANI 0 ‘CURTY, M. Paul de WILLA… Combien de ces personnes qui incarnèrent la France sont encore de ce monde ? Peu sans doute, le temps fait son œuvre… mais leur mémoire doit se transmettre et c’était le motif de ce modeste billet.
Que je veux conclure en relatant un propos de Jean CHANTON qui reste d’une extraordinaire actualité : dans les dernières années de sa vie nous vîmes réapparaitre l’épouvantail fasciste, puisque Le Pen fit 10 % en 1986.
Jean CHANTON m’exposa plusieurs fois que cette idéologie surgissait chaque fois que la société était en crise grave, que de nouvelles épidémies de cette peste étaient inévitables. Mais qu’il ne fallait pas surveiller uniquement les vieux nazis et collabos : car par nature le fascisme saurait se renouveler et se parer d’habits neufs, se grimer d’un visage avenant ; qu’il fallait donc mener sans relâche un travail de pédagogie politique.
30 avril 2017