Ecoutez, amies, amis. J’entends autour de moi celles et ceux qui s’indignent que Mélenchon n’ait pas dès le 23 avril à 20 heures appelé à voter Macron pour « faire barrage » à Le Pen et le taxent d’être irresponsable, vexé, minable, rancunier, petit personnage, etc.
Que les propos qu’il a tenu puissent être le fruit d’une légitime et honorable réflexion politique ne semble pas les effleurer. Aurai-je la cruauté de rappeler que si Hamon avait fait hier le score de Hollande en 2012 : 28 % et non pas 6 %, le « barrage » ne serait pas à l’ordre du jour et que ce chaos résulte de la politique appliquée durant 5 ans par son parti, le PS ?
Dois-je signaler que si seulement un quart des voix recueillies par Hamon s’étaient portées sur Mélenchon, ce dernier serait au 2ème tour face à Macron… et Le Pen n’y serait pas ?
Et le choix démocratique serait plus ouvert, entre en candidat de gauche et un candidat du centre droit ; entre un « populiste » et un « expert » venu des élites ; entre un « obsolète » et un « moderniste ». Presque tout le monde y trouverait son comptant ; sauf les extrémistes, dira-t-on, mais n’est-ce pas le lot de chaque 2ème tour démocratique ?
Quant à moi, personne ne peut venir me faire la leçon :
- En 2002 contrairement à nombre de mes relations qui me disaient « au 1er tour on se fait plaisir, c’est au 2e tour qu’on devra choisir » et qui ont voté Chevènement, Taubira, Mamère, Hue ou extrême-gauche, moi j’ai voté directement Jospin, car je pressentais un risque. Au 2etour j’ai « fait barrage » en votant Chirac comme demandé.
- En 2007 j’ai voté Royal dès le 1er tour pour la même raison.
- En 2012 j’ai voté Hollande au 2e tour sans me faire d’illusions mais pour « faire barrage » à Sarkozy.
Dans la durée, de « vote barrage » en « vote barrage », le FN est passé de 9 % en 1986 à 21 % aujourd’hui. Donc je constate que ce « barrage » alimente et fait grossir le FN lentement mais sûrement.
L’abstention ou le vote blanc seraient « irresponsables » ou une « perversion » de l’esprit civique.
L’irresponsabilité ou la perversité, c’est d’entretenir depuis 45 ans l’hégémonie excessive du scrutin présidentiel ; de maintenir le scrutin législatif majoritaire, alors que nombre de pays démocratiques pratiquent la proportionnelle. Dans ces pays, l’électeur vote vraiment comme il a envie ; ensuite seulement, si des alliances ou compromis sont nécessaires pour gouverner, ce sont les élus et partis, tenus d’être responsables, qui les concluent.
Le 28 septembre 1958, Mendès-France et Mitterrand, presque seuls (17 %) contre le troupeau des apeurés et des arrivistes (dont la SFIO, triste ancêtre du PS actuel), appelèrent à voter Non à de Gaulle.
Qui oserait encore affirmer qu’ils furent irresponsables ou pervers et prenant le risque de laisser venir au pouvoir les fascistes de l’OAS ou un coup d’Etat militaire ?
Ceci étant, je ne sais encore, ni ce que je vais faire le 7 mai, ni ce que va nous dire in fine l’équipe de Mélenchon.
Mais toute posture morale catégorique devrait être évitée pour l’instant.
25 avril 2017