Oui, le rappeur Kery James le dit mieux que vous, M. Macron, et depuis plus longtemps, que « la colonisation est un crime contre l’humanité ».
Il le dit depuis plus longtemps que vous : en 2001. Il avait 23 ans ; vous avez le même âge à huit jours près ; mais vous, en 2001, vous vous révoltiez sauvagement à Sciences Po.
Il le dit mieux que vous : Kery James n’est ni un politologue patenté ni un économiste distingué, il n’emploie donc pas les termes les plus policés (policés ? tiens donc ! allez écouter les mots que certains policiers éructent en banlieue et vous saisirez l’oxymore). Mais son propos sonne juste, et clair, et net, pour qui les connaît vraiment, les banlieues.
Kery James – Lettre à la République
Alors, M. Macron, si vous restez sourd aux exhortations de Kery James, il risque d’advenir ce que vous détestez (comme lui aussi, comme moi, comme tous les gens des banlieues qui veulent d’abord vivre des jours meilleurs, paisiblement).
Menace de survenir en effet ce que pourtant vous ambitionnez d’exorciser : la recrudescence des trafics, de la délinquance, des ghettos, des violences, et à intervalles réguliers des flambées de révolte incendiaires et aveugles… Comme aux USA, ce pays de cocagne que vous ne cessez de promouvoir en rêve universel de prospérité et de croissance.
Je crains, M. Macron (ci-devant Young Leader), que si vous demeurez aveugle à ce qui se passe dans les banlieues et tous autres lieux de la France délaissée, alors politiquement il ne restera rien entre la jeunesse tentée par la violence et le néofascisme (au fait pourquoi « néo » ? je ne voudrais pas que ce « néo » semble atténuer le sens de « fascisme » : le lepénisme ou le djihadisme ne sont pas un fascisme « light »).
Alors, M. Macron, vous et votre mouvement En Marche ! circulaire serez réduits à un petit manège rotatif de chevaux captifs : libéraux, centristes, sociaux-libéraux, sociaux-démocrates, libéraux-progressistes… et tournant la noria pour rien, infertilement, le puits démocratique étant à sec.
Mais j’espère me tromper, car le pronostic en politique est souvent périlleux et la marche des évènements imprévisible.
Ainsi il y a 50 ans, André Malraux, ministre de la culture du Général de Gaulle, déclamait avec grandiloquence : « Entre les communistes et nous gaullistes, il n’y a rien ! ». Tandis qu’Alain Peyrefitte, ministre de la propagande, affirmait plus roublard : « Si nous ne faisons pas de bêtises, nous sommes au pouvoir pour trente ans ».
On peut être grand écrivain et habile politicien tout en déchiffrant mal les lignes de l’avenir : dix ans plus tard le PS plumait le PCF et les gaullistes perdaient le pouvoir, à moitié sous Giscard, puis totalement sous Mitterrand.
Alors, entre les fachos et les gogos mondialistes, il y a Ensemble ! Tout simplement.
Sinon, votre petite musique, M. Macron, nous prépare des lendemains qui ne chantent pas. Pas aussi bien en tout cas que Kery James.
6 avril 2017