2016 12 03 : Une vie – film

Je suis toujours à la fois curieux et a priori inquiet de découvrir comment un cinéaste parvient à transposer un roman sans l’affadir ou le trahir. Alors, pensez ! à plus forte raison s’agissant d’un des plus beaux romans de notre XIXe siècle, dans lequel Maupassant conjuguait au plus haut point la puissance du récit, la densité des personnages, la sobriété du style et la simplicité de l’intrigue.

Qu’il me faut résumer ici pour qui ne l’aurait pas lu ou l’aurait oublié.

Comme souvent chez Maupassant, Une vie se passe en Normandie ; vers 1820. A 17 ans, Jeanne Le Perthuis des Vauds (Judith Chemla), vient d’achever ses études en internat d’un couvent, donc sans avoir affronté la vraie vie et encore un peu dans l’enfance.

On la marie avec un petit notable, Julien de Lamare (Swann Arlaud), radin, bestial, brutal et qui rapidement la trompe, d’abord avec Rosalie (Nina Meurisse) une domestique, puis avec Gilberte de Fourville (Clotilde Hesme), une amie de Jeanne.

Jeanne donne naissance à un fils, Paul, de santé fragile. Elle se résout avec fatalisme à ce que la liaison entre Julien et Gilberte perdure ; mais Georges de Fourville (Alain Beigel) le cocu lui, un peu moins et un jour il les trucide tous deux.

Jeanne se consacre à son fils, mais celui-ci, adolescent, doit partir en pension. Ses parents (Jean-Pierre Darroussin et Yolande Moreau) décèdent ; elle sombre en dépression, que n’arrange pas l’évolution de Paul, qui après ses études se précipite dans les dettes, l’obligeant à vendre le château familial. Rosalie vient la rejoindre dans sa nouvelle habitation.

Un jour, Paul toujours en situation financière difficile et qui mène une vie de patachon, lui amène son fils dont la mère est morte en couches… Et c’est grâce à l’arrivée de ce petit enfant que Jeanne retrouve le goût de la vie.

Stéphane Brizé courait donc le risque du mélodrame, avec cette histoire qui évidemment n’est plus de notre temps. Pourtant, au contraire, son film se révèle d’une force, d’une finesse et d’une sensibilité très actuelles.

L’interprétation est remarquable. Judith Chemla est extraordinairement lumineuse, animée de bout en bout d’une dignité qui, malgré l’évolution des conventions sociales, n’a pas pris une ride. Les autres personnages aussi sont bien campés, par des acteurs dont on n’en attendait pas moins.

Quant à l’image et la prise de vue, elles sont magnifiques. Les paysages d’hiver, pluvieux ou de printemps décrits par Maupassant sont fidèlement rendus. La longue mélancolie qui enveloppe l’héroïne est traduite en plans magistralement filmés.

Du coup, devinez quoi ? Le soir même j’ai relu Une vie, que je n’avais pas ouvert depuis environ trente ans, avec enchantement ; et j’ai constaté que tout, tout ce qui fait la densité du roman, est effectivement retraduit dans le film.

3 décembre 2016

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