2014 12 11 : Blanchard n’est plus

Des Blanchard il y en a beaucoup, et des Blanchard connus il y en a eu plusieurs, alors comme mon Blanchard à moi ne l’était pas trop, célèbre, je précise : André Blanchard était un écrivain, il est mort fin septembre à 63 ans à Vesoul où il a toujours vécu.

blanchard07drSi la célébrité dans le monde littéraire était proportionnée au talent, André Blanchard aurait dû en bénéficier bien davantage… mais passons ; d’autres, tout aussi doués sinon plus, sont peut-être totalement ignorés. Il eut d’ailleurs parmi les critiques littéraires de fidèles adeptes et cela dès le début : c’est grâce à celui du Canard Enchaîné que je l’ai connu dès la parution de son premier livre, Entre chien et loup chez Le dilettante en 1989.

André Blanchard n’était pas un pisse-copie : Entre chien et loup comptait 70 petites pages et ses ouvrages suivants ne dépassèrent jamais 250 pages. En 25 ans il nous en livra onze, donc pas même un tous les deux ans. Il ne sacrifia jamais à la frénésie porteuse et vendeuse du roman : ses bouquins étaient des carnets, des petites chroniques. Des réflexions surtout, au jour le jour, principalement sur la littérature et sur l’actualité. Un ravissement de propos incisifs, lucides, ironiques, subtils, tendres, désabusés, qui n’épargnent pas les gloires établies mais sont bienveillants pour les gens comme vous et moi et nos travers ordinaires, à l’exception des modes stupides et des bigoteries qui ont droit à sa férocité.

Je ne saurais en dire plus, car Blanchard ne se résume pas, il faut le lire !

Entre chien et loup, titre de son premier livre… et pourtant Blanchard aimait surtout les chats, dont il nous parle avec amour et justesse. C’est que Blanchard, combien de fois me le suis-je fait remarquer, est un chat ; il est dans le monde des humains comme le chat dans la maison : discret mais présent, réservé mais l’œil aux aguets, silencieux mais les vibrisses frémissantes. Sur les sujets ou les personnages qui le dérangent, ses coups de patte sont légers et rapides mais font quand même perler le sang. Il n’est jamais méchant ; juste un peu cruel, avec raffinement, pour les souriceaux et les souris sottes qui l’ont bien cherché.

André Blanchard demande généraleBlanchard nous a donc quittés discrètement, en tout cas nous ses lecteurs qui n’aurons pas pressenti sa mort : la dernière livraison de ses carnets A la demande générale, en 2013 ne nous dévoilait rien d’une funeste maladie ni d’une crainte de la mort prochaine. Pas davantage en tout cas que des annotations çà et là, comme depuis toujours, dès son premier livre en 1989 : « Depuis mes vingt-cinq ans, il ne s’est pas passé de jours sans que je pense à ma mort, imaginant, espérant, méditant, craignant, déprimant, m’en fichant. »

Je ne vous dis pas adieu, André Blanchard, puisque vous êtes dans ma bibliothèque à portée de main, à portée d’œil, à portée de cœur : magie de la littérature.

11 décembre 2014