Il y a une semaine, j’ai partagé sur ma page Facebook cette image-montage :
Un de mes amis a protesté : « Non ! Je n’approuve pas cet amalgame ». Je comprends sa protestation en ce sens où ce n’est évidemment pas BHL qui a commandé les frappes Israéliennes sur Gaza. Mais je maintiens qu’il en est intellectuellement complice.
Je n’ai aucune estime pour BHL depuis près de 40 ans, lorsqu’un jour de mai 1977 j’ai lu dans un quotidien disparu depuis, Le Matin, l’un de ses billets dont voici un passage :
« Chacun sait aujourd’hui que le rationalisme a été un des moyens, un des trous d’aiguille par quoi s’est faufilée la tentative totalitaire. Le fascisme n’est pas issu de l’obscurantisme, mais de la lumière. Les hommes de l’ombre, ce sont les résistants… C’est la Gestapo qui brandit la torche. La raison, c’est le totalitarisme. Le totalitarisme, lui, s’est toujours drapé des prestiges de la torche du policier. Voilà la “barbarie à visage humain” qui menace le monde aujourd’hui. »
A l’époque je trouvai cela ignoble et je persiste à considérer que c’était insulter la mémoire de tous les Résistants, croyants ou non-croyants, qui en France ou ailleurs se sont levés contre le fascisme ; car la plupart étaient pétris des valeurs humanistes, des Lumières, de la Révolution de 1789. Non, le totalitarisme, sous toutes ses formes, surgit toujours et risque de surgir encore, non « de la lumière » mais de l’obscurantisme, de la part de brutalité, de sauvagerie qui subsiste chez tout homme et donc dans toute société et se « faufile » non pas à cause du rationalisme mais malgré lui, profitant de ses imperfections.
Et surtout de deux causes profondes, qui mènent le monde et que seul un aveugle ne saurait voir : les nationalistes venus du tribalisme préhistorique et les puissances d’argent, sous toutes les formes de régimes politiques qu’elles parasitent.
Pour ne pas multiplier les citations des grands intellectuels qui ont vite démasqué la bouffonnerie de BHL, je n’en citerai qu’un, qui n’était pas un intellectuel de gauche et qu’on ne peut donc suspecter de complaisance pour le totalitarisme soviétique ou chinois, ni de penchant antisémite : Raymond Aron, qui écrivit dès 1981 : « Bernard-Henri Lévy viole toutes les règles de l’interprétation honnête et de la méthode historique ».
Et aujourd’hui, on peut juger de la stupidité des propos de BHL en observant les résurgences actuelles du totalitarisme. Sous leurs formes européennes du néofascisme lepéniste par exemple, ou orientales du djihadisme, sont-elles issues des Lumières et du rationalisme ? Evidemment non ; mais des vieilles tambouilles et sinistres marmites du fanatisme religieux, aux antipodes de la vraie spiritualité ; de la haine de l’étranger et du naturalisé de 1ère, 2ème ou 3ème génération, aux antipodes du vrai patriotisme ; de la haine du débat démocratique en général.
Oui mais me direz-vous, si BHL a écrit cette stupidité en 1977 il ne s’en est plus jamais vanté. C’est vrai, je ne me souviens pas l’avoir vu réitérer cette énormité aussi clairement. Mais son comportement récent atteste de sa constance dans l’erreur.
Ainsi, sa propension à vouloir que toujours, partout, les « bons » que nous sommes interviennent militairement pour punir les « mauvais » dictateurs et libérer les « pauvres » peuples, n’a rien à voir avec les Lumières.
L’exemple de la Lybie est rétroactivement instructif : il fallait évidemment agir, peser, voire menacer, pour tenter de réduire et abréger les crimes de Kadhafi. Mais militairement, comme nous le fîmes en interprétant abusivement une résolution de l’ONU, seul gendarme habilité de par le monde ? Aujourd’hui la Lybie reste livrée au chaos, et l’arsenal kadhafien disséminé dans les pays voisins est une boîte de pandore qui n’a pas fini de produire ses maléfices. Et l’on sait aujourd’hui que BHL se rendit insupportable aux décideurs militaires et diplomatiques français de l’opération, auxquels il n’eut de cesse de prodiguer ses conseils et directives.
Quant à l’intervention US en Afghanistan et en Irak, ses conséquences 12 ans plus tard n’ont besoin d’aucun commentaire.
A contrario, les pays en proie à des guerres civiles où l’on s’est gardé d’intervenir militairement, exerçant l’action internationale uniquement au plan humanitaire ou par des pressions politiques et économiques, n’ont certes pas évité souffrances, crimes et malheurs, mais ont fini par trouver le chemin, sinon de la réconciliation, en tout cas de la coexistence : Croatie, Serbie, Bosnie, Érythrée-Éthiopie…
Et pour revenir à mon affichage de la semaine dernière : BHL en approuvant l’intervention militaire d’Israël, n’aide pas, absolument pas, à progresser sur le chemin combien long et difficile d’un règlement du conflit (ceci étant, je ne commenterai pas l’accrochage récent, trop parisien, entre BHL et deux animateurs de l’émission à sensation ONPC, que je n’aime pas).
6 octobre 2014