Voyages à retenir pour les prochains mois ? Voyages d’avenir qui formeront ma jeunesse (il est plus que grand temps) ? Je n’ai que l’embarras du choix… sauf que l’emploi du temps et le financement le sont aussi, dans l’embarras !
Car s’il me faut retourner à Wallis et Futuna ‑ je l’ai promis à Philipo, Tobia et Patelise ‑ je veux aussi revenir en Corée, merveilleux pays dont je n’ai connu que Séoul et Inchéon ; et voir Cuba tant que c’est encore ce Cuba là ‑ c’est donc urgent ‑ puisque mon ex-beau-frère Claude peut m’y faire connaître plein de gens ; mais aller aussi au Brésil pour danser la samba à Copacabana ; visiter ma nièce Lolita à Luxembourg, paradis que l’on médit fiscal ; bien sûr retourner dans d’autres belles villes, vues mais vite et il y a longtemps : Amsterdam, Milan, Bonn, Londres, Prague, Athènes…
Et surtout ne pas omettre de me rendre au Mexique puisque, si j’y vais, mes belle-sœur et beau-frère Geneviève et François me feront visiter, c’est promis, Mexico et Veracruz, le Chiapas et le Chihuahua, le Yucatán et la Baja California Sur, la cité préhispanique de Teotihuacan et le Museo Nacional de Antropología… quel programme chargé ! Alors pour me préparer, comme invitation au voyage, plutôt que de lire des guides ou des notices Wikipédia, je me plonge dans la littérature du pays.
Et je viens de terminer un roman épatant de David Toscana : El ultimo lector. J’avais déjà lu de lui l’an passé L’Armée illuminée, mais celui-ci est encore mieux pour entrer un peu dans la mentalité des personnages imaginaires d’Icamole (bourgade qui existe vraiment, dans le Nuevo León). Le souvenir y plane encore d’un désastre militaire subi par Porfirio Díaz le 20 mai 1876 contre l’armée gouvernementale, ce qui mit en péril sa Révolution de Tuxtepec et lui valut, s’étant effondré en larmes devant ses énormes pertes en hommes, le surnom de Pleureur d’Icamole.
Pour l’heure, dans l’heure du roman, Icamole est durement frappé par la sécheresse, ce qui nous vaut quelques descriptions magiques de ce bourg perdu au nord du Mexique. Perdu mais fascinant.
Car l’auteur place au centre du roman un personnage extraordinaire, Lucio, bibliothécaire du village, sans lecteurs et sans ressources, qui tue ses journées à lire, lire, et censurer ou envoyer au rebut les mauvais romans, ils sont nombreux. L’occasion donc de dégonfler quelques baudruches littéraires le plus souvent fictives… mais plus vraies que nature. Un jeu de massacre des stéréotypes plumitifs ! On se croirait non plus dans la rue poussiéreuse d’Icamole à attendre le porteur d’eau, mais à Saint-Germain entre Flore et Procope à guetter les fantômes de Sartre et Cossery. Un seul roman trouve grâce à ses yeux : La Mort de Babette du Français Pierre Laffitte, paru au début du vingtième siècle ; auteur totalement ignoré ou oublié (par moi en tout cas) mais que parait-il Marcel Proust appréciait.
Le personnage de Lucio est non seulement réjouissant par ses réparties caustiques et ses jugements littéraires définitifs, mais aussi par sa capacité à reconstituer les évènements passés ensevelis, lire les pensées de ses interlocuteurs qui le prennent pour un idiot, et même deviner l’avenir à partir de réminiscences de ses lectures : la réalité donc qui se plie à la fiction. La vérité, la vraie, est dans les romans ! Belle leçon complètement fantaisiste et inutile, direz-vous ; quoi que…
30 janvier 2014