Les pessimistes, les alarmistes, mais aussi bien sûr ceux qui ont fait de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme leur mode unique de pensée ou leur fonds de commerce, ne cessent au moindre fait divers de jouer les Cassandre : le racisme serait un cancer qui ronge notre société, s’étend et métastase.
Voire… Certes, je ne nie pas que la parole raciste se libère. Cependant n’existait-elle pas depuis longtemps, mais murmurant à bas bruit ou dans le langage des signes ?
Oui, dans nos quartiers pauvres, nombre de jeunes ou moins jeunes sont farouchement anti-israéliens et dans leur manque de maturité politique confondent souvent Juif et Israélien. Dans nos quartiers riches, la dénonciation des réseaux juifs vous est volontiers murmurée à l’oreille quand il s’agit de déconsidérer ceux qui réussissent (trop) bien dans certains métiers et milieux. Pour autant, s’agit-il d’un racisme de conviction, ou plutôt de stupidité trouvant son terreau dans la dégradation de l’économie française ?
Certes, je suis de ceux qui craignent que Mme Le Pen gagne les prochaines élections, voire soit notre prochaine Présidente… Mais tous ceux qui votent et voteront pour elle ne sont pas de forcenés racistes ou antisémites ; d’ailleurs il est significatif qu’elle aseptise son discours et son programme sur ces deux points, précisément parce qu’elle sait que les électeurs qu’elle doit gagner ne le sont pas vraiment, racistes ou antisémites.
Et puis surtout ‑ mais mon diagnostic est alors plus grave ‑ le racisme n’est pas un mal français mais européen.
Voyez par exemple la boue qui éclabousse l’Italie, ce beau pays au peuple charmant, mais où la nomination d’une ophtalmologiste, Mme Cécile Kyenge, à la tête du ministère de l’Intégration, première femme noire au gouvernement dans l’histoire de la péninsule, a débondé le jaillissement immonde des pires injures, et même d’appels au viol.
Et ces propos abjects n’émanent pas d’abrutis, de primaires ou d’incultes, mais de personnalités politiques de premier plan : d’Erminio Boso, ancien sénateur de la Ligue du Nord ; de Dolores Valandro, autre membre de la Ligue du Nord ; du député européen du même parti Mario Borghezio ; le vice-président du Sénat Roberto Calderodi la compare à un orang-outang ; un député-maire, Cristiano Za Garibaldi, insinue qu’elle se prostituait.
Et nos amis Tchèques ou Roumains sont hélas nombreux à détester les Roms ; nos amis Hongrois ou Russes supportent mal leurs minorités ; la Pologne a encore un problème avec l’antisémitisme, et le Danemark, où l’immigration est pourtant moindre (4 % contre 6 % ici), voit les partis d’extrême-droite raciste croitre et prospérer.
La lutte contre ce fléau ne doit donc pas être articulée au niveau français mais européen. Qu’en pensent nos partis démocratiques ?
7 décembre 2013