Crépuscule d’une vie
Ce petit roman ou récit est cruel pour l’hôpital, son inhumanité, mais ce sont les vrais mots pour dire une réalité vraie. L’auteur s’en excuse presque : « Il ne faut pas dire de mal de l’hôpital. Tous ceux qui ont écrit pour le faire avaient raison. Mais il est tard. Les hôpitaux de campagne disparaissent, ceux des villes n’ont plus assez de lits. Alors ils vous jettent dehors. La première fois on est entrés, avec Jean, avec facilité. Opération en vue, il était inscrit. Ça lui suffisait, à Jean, il ne demandait pas beaucoup. Il orientait tout son corps vers l’espoir.
L’hôpital est une grande machine qui vous dit par ses bruits métalliques, ses silences, la précision des gestes de ses femmes blanches, qu’on n’est pas condamné à mort. Ici on vous soigne. C’est vers cela que Jean allait. Il pouvait encore marcher, plus précisément il donnait l’ordre de marcher à ce qu’il appelait ses jambes de ferraille. Un jour il dit : « c’est moi qui ai la meilleure place, dans la famille. » Il nous fallait essayer d’être à la hauteur de cette phrase-là. On l’a fait.
Les autres ? On ne se parle pas, entre visiteurs, on ne se touche pas, on se voit. Je les vois encore. Ils traversent le grand parking à ciel ouvert, glacé, ils marchent vers celle ou celui qu’ils aiment avec un sac plein de jus de fruits trop lourd, avec des journaux ou des fleurs, avec n’importe quoi dans les bras. »
Au passage, ce livre rend hommage à Marek Edelman, chef à 20 ans de l’insurrection du ghetto de Varsovie, qui 65 ans plus tard mourut toujours jeune sans s’être jamais plié aux honneurs ni au conformisme.
Marie Depussé
novembre 2011 – 120 pages – 12 €
P.O.L.
33 rue Saint-André-des-Arts
75006 PARIS
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