Un regard critique mais aimant sur l’hôpital
Entre les confidences des médecins médiatiques et les propos alarmistes des professeurs, les infirmières se taisent. Être infirmière, c’est accepter le contact avec le malade, c’est manier compresses, seringues et tubes avec précision et humanité. Administration des soins, gestion du dossier du malade, relation avec sa famille, ces défis du quotidien sont de plus en plus durs à relever.
Ce texte est une révolte contre un monde hospitalier bouleversé en profondeur, qui reproduit un modèle à la fois sexiste et dépassé. En rendant hommage au personnel soignant et aux malades, Anne-Marie David, infirmière puis cadre de santé à la Pitié-Salpêtrière, s’adresse à « Messieurs les professeurs » et les place devant leurs responsabilités et leurs contradictions. Celle qui a vécu la valse des réformes, la révolution des 35 heures, la canicule de 2003, parle après 40 ans de réserve professionnelle dans un style clair, avec force et sincérité.
Au lecteur qui hésiterait à ouvrir ce livre, il faut dire nettement qu’il vaut beaucoup mieux que ce que font craindre son titre, l’intitulé de la collection dans laquelle il est publié et le « révélations choc » du bandeau. Car en fait de « dessous cachés » on n’y trouve aucune révélation scandaleuse, simplement la description des rouages hospitaliers que tout professionnel connait bien et que même le citoyen, à travers sa fréquentation personnelle ou celle de ses proches, n’ignore pas. Quant au « coup de gueule » on le cherchera vainement : il s’agit d’une relation souvent tendre, parfois sévère, désabusée, mais conservant l’espoir d’une refondation d’un hôpital que l’auteure a visiblement passionnément aimé.
Certes on relèvera ça et là quelques analyses partiales ou injustes ; mais comment ne pas adhérer à ses propos lorsqu’elle expose avoir subi l’éclatement du flux de paroles à l’hôpital, les discours prétentieux et la langue de bois ? Lorsqu’elle déplore combien le pavillon Marguerite Bottard de la Pitié-Salpêtrière fit longtemps fuir les ambitions médicales et soignantes tant la gériatrie était méprisée dans notre beau pays ? Lorsqu’elle s’interroge si la médecine est encore l’art d’un réel qui écoute et ausculte ou si elle n’est pas envahie à son tour par la pensée unique et l’esprit de système ? Lorsqu’elle ironise sur cette politique de « projets » dont beaucoup retombent comme des soufflés n’intéressant plus personne ? Lorsqu’elle exprime sa tristesse face à ce cadres de direction qui aujourd’hui arrivent, font trois petits tours et puis s’en vont, la trajectoire ponctuée d’e-mails, sans que jamais un soignant ait vu leur visage ? Lorsqu’elle diagnostique que ce qui manque aujourd’hui trop souvent à l’administration hospitalière, c’est l’audace de croire à nouveau dans les cadres ? Lorsqu’elle conclut qu’au-delà de tous les verbiages, sophismes et alibis pseudo-philosophiques, l’éthique soignante c’est d’abord la qualité du regard et de l’intelligence critique du raisonnement se référant à la réalité de la situation par une analyse rigoureuse ?
Livre sur l’AP-HP et non pas livre contre l’AP-HP : à cet égard l’ouvrage est aux antipodes, mais alors complètement, du mesquin et méchant Hôpital en danger commis par la Dre Véronique Vasseur fin 2005…
Anne-Marie David
juin 2009 – pages – 19,90 €
Collection « Coup de gueule »
Jean-Claude Gawsewitch Editeur
130 rue de Rivoli
75001 PARIS
www.jcgawsewitch.com