Santé… et justice sociale
Aujourd’hui en France, un ouvrier non qualifié a 2,5 fois plus de risque qu’un cadre supérieur de mourir entre 35 et 60 ans : on pense souvent que des disparités dans la protection sociale ou les soins médicaux en sont la cause. Or, le rôle du système de santé est relativement modeste. Les comportements néfastes tels que consommation de tabac ou d’alcool, absence d’exercice physique ou alimentation malsaine sont aussi mis en avant : ces facteurs ont indéniablement des effets sur la santé, mais ils ne sont en réalité que des médiations entre les conditions sociales et les états morbides.
Il faut donc en revenir à un fait élémentaire : les inégalités de santé sont avant tout des inégalités sociales. Les pays qui ont les écarts de revenus les plus importants sont aussi ceux qui ont les disparités devant la mort les plus marquées : ainsi aux États-Unis, les hommes des ghettos noirs de Harlem ont une durée de vie moyenne plus faible que les hommes du Bangladesh, l’un des pays les plus pauvres du monde.
C’est la conjonction d’éléments concernant les ressources matérielles, l’activité professionnelle et la position dans son emploi, l’intégration sociale et les relations avec les autres qui rend compte des écarts plus ou moins grands observés. Aussi, les mesures les plus efficaces contre les inégalités de santé sont des mesures de justice sociale. Dans ce recueil, chaque contribution est précieuse en apportant son éclairage particulier quant aux inégalités constatés sur différentes pathologies.
Quant à la conclusion, elle est limpide : les auteurs indiquent que la manière la plus efficace de réduire les inégalités de santé est de réduire les inégalités dans la société ; ils rappellent combien l’égalité devant les soins est essentielle ; ils pointent tout le travail à faire pour approcher de l’égalité en matière de prévention ; ils soulignent combien un plus large débat dans l’espace public est nécessaire.
Didier Fassin est anthropologue, sociologue et médecin, professeur à l’université Paris Nord et directeur d’études à l’ÉHESS. Il dirige l’Iris, Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux, laboratoire CNRS – Inserm- université Paris 13. Il a récemment codirigé Le gouvernement des corps (avec D. Memmi, Éditions EHESS, 2004) et Les constructions de l’intolérable (avec P. Bourdelais, La Découverte, 2005.), et publié Quand les corps se souviennent. Expériences et politiques du sida en Afrique du Sud (La Découverte, 2006) et L’empire du traumatisme. Enquête sur la condition de victime (avec R. Rechtman, Flammarion, 2007).
Didier Fassin (sous la direction de)
mai 2009 – 136 pages – 9,90 €
Collection Problèmes politiques et sociaux
La documentation Française
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