Livre : Les cadres de santé à l’hôpital – Un travail de lien invisible – 2006

Une réhabilitation nécessaire

S’il est une fonction méconnue bien que son utilité fasse l’unanimité des acteurs hospitaliers et du grand public, c’est bien celle de cadre de santé de proximité. L’auteur a réalisé une enquête de terrain en étant présente auprès de deux cadres pendant toute la durée de leur poste et cela pendant huit mois à raison de trois jours par mois.

La fonction cadre de santé a évolué au gré des progrès de la médecine et de la gestion hospitalière. Interface entre l’administratif et le médical, encadrant lui-même encadré par un cadre supérieur, le cadre de santé doit faire preuve de diplomatie et de subtilité pour répondre aux injonctions contradictoires. Il doit être près des malades et des soignants mais savoir avant tout se positionner en gestionnaire. Le cadre est aussi le collaborateur du médecin chef de service avec lequel il fixe les stratégies de soins.

Des fiches de poste définissent le travail de cadre de santé : manager, encadrer et valider le travail infirmier, gérer les ressources humaines et matérielles…. Ces fiches de poste sont loin d’être représentatives de la réalité de l’activité d’un cadre et il y a loin du rôle prescrit au travail réel.

Le cadre de santé est une personne circulante, circulante dans l’unité mais également circulante dans l’hôpital, voire en extra hospitalier. Cet éloignement physique des lieux d’action de soins est renforcé par le fait que les cadres ne font plus de soins. Il est ainsi en bute à l’incompréhension et aux critiques du personnel. Dans un service hospitalier dans lequel chaque acteur a des fonctions précises du fait de son diplôme le cadre est le seul à effectuer de multiples tâches n’ayant souvent pas de lien avec le soin direct, dans des espaces éclatés, dans une logique connue de lui seul et avec un cheminement plein d’aléas.

La gestion du personnel a tous temps représenté le travail le plus complexe. En cette période de pénurie, elle demande encore plus d’ingéniosité, de négociations voire de renoncement à certains principes quand il faut palier les absences inopinées ou renforcer une équipe quand la charge de travail l’impose. Le cadre sait bien que ses relations avec l’équipe sont ambivalentes puisque chaque professionnel implique sa distance avec le cadre selon qu’il soit évalué, demandeur ou sollicité.

Ce qui caractérise le cadre c’est sa solitude dans un service ou la notion d’équipe est prégnante. Le cadre rend sa présence visible et peut intervenir à tout moment et dans toutes les situations afin de contrôler, vérifier le respect des normes et des procédures qu’elles soient internes à l’unité ou institutionnelles. Garant de l’organisation et de la sécurité des soins c’est la personne qui fait les rappels, suscite les remises en question ou qui sanctionne ; mais qui sait aussi « fermer les yeux » quand la pénurie est trop forte ou que la charge de travail explose. Le cadre coordonne les actions des soignants autour du patient. Il est le lien avec les familles et les intervenants extérieurs.

Quel cadre ne s’est-il pas posé cette question à la fin de la journée en ayant le sentiment de ne pas avoir fait grand chose : « Qu’est-ce que j’ai fait aujourd’hui, alors que je n’ai pas arrêté ? ». En fait il a effectué une multitude de tâches pour lesquelles il ne s’est pas posé pas la question de savoir si elles étaient de son ressort ou pas. Ce travail de lien chronophage, indispensable dans la prise en charge coordonnée et de plus en plus de courte durée des malades,n’apparaît nulle part , pas même sur l’agenda des cadres qui ont tendance à le banaliser parce qu’il ne leur paraît pas gratifiant. Pourtant, c’est ce travail de lien qui permet et renforce la cohésion des intervenants, garantit la qualité de la prise en charge, travail de besogneux certes, mais combien essentiel qu’il faut mettre en évidence et valoriser.

C’est un livre précis dans lequel une forte majorité de cadres de santé va se retrouver. Ils ont désormais matière à réflexion pour faire connaître, reconnaître et valoir cet aspect méconnu de leur activité : cette mission noble, ambitieuse et plus que jamais difficile.

Paule BOURRET
octobre 2006 – 284 pages
Seli Arslan
14 rue du Repos
75020 Paris