Livre : Scandales dans les maisons de retraite – 2002

Le livre noir des EHPAD reste à écrire

Car celui-ci, s’il a le mérite de soulever un certain nombre de scandales, cède un peu trop au goût du sensationnel et pêche par une incapacité à décrypter correctement la chaîne des responsabilités et à hiérarchiser les carences : il en reste à dénoncer une situation certes inacceptable, souvent à partir d’une compilation d’articles de presse.

Mais son défaut majeur, bien dans l’air du temps, n’aura pas notre indulgence : il se complaît dans la banalité dominante, qui n’est donc même plus courageuse, de s’en prendre systématiquement aux « acteurs », gens de terrain, ceux qui mettent la main à l’ouvrage, exonérant les « censeurs » : pauvres tutelles qui n’auraient pas les moyens de leur rigueur morale, juges naïfs qu’on instrumente, journalistes lucides qui ont toujours cherché à faire leur travail. Il salue certes à bon droit ALMA et son fondateur. Mais il s’en prend, injustement, à l’ADHEPA qui fut pourtant ces 15 dernières années l’un des protagonistes les moins complaisants du secteur.

Et puisqu’il cite à plusieurs reprises les Alpes-Maritimes, nous lui opposerons notre vécu. Là-bas, il y a près de vingt ans, ce sont des directeurs et quelques médecins du public, groupés en association, qui soulevèrent, avant bien d’autres, le problème de la nécessaire médicalisation des établissement. Avant que ce soit à la mode et mis en terminologie, ils lancèrent l’idée de réseau, d’exigence de qualité, d’évaluation, de tarification ternaire, de droits et libertés des personnes âgées et même d’un « guide Michelin des établissements ». Quelles pesanteurs ne rencontrèrent-ils pas ! Et de bâtons dans les roues ! Quand quelques politiques en prirent ombrage, l’un des directeurs fut convoqué en DDASS où on lui dit de se calmer. Quels journalistes se passionnèrent à l’époque pour le sujet ? Le seul organisme qui appuya la démarche, l’UDISPA, en fut puni et sabordé…

Alors, cher auteur, vous avez raison de dénoncer les tares du système, mais pointez un peu mieux les responsabilités et pour cela cherchez la vérité dans l’épaisse et triviale réalité des faits, pas seulement dans la bonne conscience des assis du banc de touche.

par Jean-François LACAN
Editions Albin Michel, 22 rue Huyghens – 75014 PARIS, janvier 2002, 247 pages, 14,90 €