Edito DH n° 86 novembre 2002 : hôpital : l’agonie ?

Dans son dernier numéro, le mensuel économique L’Expansion titre l’un de ses articles « Le mammouth hospitalier à l’agonie ». Et le papier d’accumuler poncifs et approximations pour servir au lecteur peu averti un médiocre salmigondis, concocté selon la recette bien connue d’une alouette de vérité pour un cheval d’erreur [1]. On pourrait d’ailleurs multiplier les exemples des travers dans lesquels tombent trop de médias généralistes lorsqu’ils s’avisent d’informer le citoyen sur la question hospitalière.

C’est qu’il s’agit désormais d’un sujet digne des feux de la rampe en raison directe de l’attachement que lui porte l’usager. A décharge, il faut reconnaître que le matériau brut utilisé pour composer ces articles provient du milieu hospitalier lui-même, des déclarations sincèrement indignées et des SOS apparemment désespérés d’un certain nombre de professionnels. Mais le rôle du journaliste n’est-il pas, précisément, de recouper les informations, corroborer les points de vue et relativiser les passions ?

L’hôpital est par excellence un lieu d’humanité concrète, de pratique tangible et un théâtre de confrontation brutale à l’immédiateté des souffrances, à la réalité des détresses, à la trivialité des misères physiologiques. En cela il réclame —qu’il s’agisse de le décrire, l’évaluer, le stigmatiser ou proposer des remèdes à ses imperfections— bien davantage que les déductions intuitives et les ellipses interprétatives dont nos médias se contentent souvent faute de disposer d’outils éprouvés « d’investigation » au plein sens du terme.

Il est des moments où les difficultés entrent en résonance, comme à d’autres elles refluent. Aucun hospitalier responsable ne songe à nier leur réalité. Mais en même temps et cela DH Magazine veut modestement l’affirmer et le proclamer, jamais, de mémoire d’homme, l’hôpital n’a été parcouru de tant d’innovations ! Jamais les médecins, les soignantes et ceux qui les accompagnent au plan administratif et logistique n’ont été davantage avides de créativité, d’adaptation au changement, d’organisation rationnelle.

Lorsque dans quelques années viendra le temps de l’appréciation distanciée, on mesurera tout ce qui a germé au cours de la dernière décennie. Chaque fois que nous visitons une douzaine de centres hospitaliers ou CHU pour préparer un numéro consacré aux « Terres hospitalières », nous en rapportons tant et plus de preuves patentes qui emportent ou consolident cette profonde conviction.

Simplement, aux tracas économiques et démographiques d’aujourd’hui mais qui ne sont pas nés d’hier, s’ajoute une crise de croissance. Et s’impose l’urgente nécessité, non de tout reprendre à zéro —ah cette monomanie dévastatrice, chez qui veut faire l’intéressant, de la « table rase » !— mais de fortifier un organisme qui a poussé un peu vite. D’ordonnancer un foisonnement exubérant. De séparer —cela réclame subtilité et expérience— le bon grain de l’ivraie.

N’étant pas condamnés à la cécité dont seraient évidemment exempts les « experts » omniscients, les décideurs hospitaliers peuvent les rejoindre sur certains constats de carence. Pas sur les conclusions définitives qu’ils en tirent.



[1]-Voir, dans le présent numéro, notre rubrique Bonnes lectures.