2020 07 10 : Pascal, le christianisme est étrange…

Arrivé à un âge certain, il est intéressant de rétrospectivement examiner comment notre opinion sur un écrivain a évolué, ou au contraire est restée stable.

Blaise Pascal est l’un des rares pour lequel ma considération a varié trois fois, et en sens contraire.

Adolescent j’ai adoré Pascal par utilitarisme sournois : interne chez les jésuites je m’offrais le plaisir, pour chaque punition consistant à copier 100, 200, 300 lignes voire plus, de livrer au père préfet, sourire en coin, des extraits des Provinciales, cette charge janséniste féroce contre les jèzes ; et il ne pouvait me le reprocher, l’auteur était au programme de littérature de l’année scolaire.

Pour le reste, j’étais fasciné qu’un tel esprit puisse être à la fois physicien, mathématicien, théologien et philosophe.

Mais plus tard, lisant Les Pensées je n’y entrai pas, elles me barbèrent et je les considérai soit comme illuminations galimatiesques, soit comme assertions axiomatiques. Je trouvais tout simplement ridicule son fameux pari sur l’existence de Dieu, ravalant le Sauveur au rang d’une triviale machine à sous montecarlienne…

J’ai tenté souvent de les relire et en suis resté, je l’avoue, à cette première impression négative. Et j’approuvai avec délectation la petite volée de sarcasmes que Voltaire infligeait à « quelques-unes » de ces pensées, tout en qualifiant Pascal de « génie », bien entendu. Je partageai le jugement de Voltaire qui voyait en lui un fanatique détestant l’homme qui ne peut être sauvé que par un Dieu immanent, tandis que Voltaire considérait que cultiver la sagesse et la tolérance contribue au progrès des sociétés.

Ce n’est que récemment qu’il me vint à l’esprit que Voltaire, comme souvent, avait été un peu court dans son rationalisme, m’apercevant qu’il est passé à côté d’une profonde méditation qui finalement restaure la cohérence de Pascal et le remonte dans mon petit florilège : la sincérité et la profondeur de sa foi, laquelle ne peut être révélée qu’à travers la Grâce efficace : postulat métaphysique évidemment inconcevable pour Voltaire.

Tout le contraire en somme de Chateaubriand dont le Génie du Christianisme est devenu pour moi illisible : mauvaise foi justement, ridicule des arguments, nullité des « preuves » et même pesanteur de cette langue que l’on présente comme l’un des sommets de l’expression française.

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Alors maintenant ?

Alors, une fois de plus, je vais afficher mon admiration pour les écrivains italiens récents, puisque je partage l’opinion de l’un d’eux, l’exceptionnel Leonardo Sciascia, qui s’affirmait à la fois résolument athée mais sensible au message de Pascal…

10 juillet 2020